Saint Joseph du Web
Recherche
Rss

La vocation est une affaire de coeur (de Jésus)



Séculier ou régulier, séparé du monde ou en plein monde, apostolique ou contemplatif, célibataire ou marié, c'est toujours une affaire de coeur

La vocation est une affaire de coeur (de Jésus)
Quand on cherche sa vocation, il est utile de se familiariser avec un certain vocabulaire, et donc avec des distinctions. Et ces distinctions se sont parfois fait jour à coups de polémiques et de véritables guerres. Prenons par exemple la naissance des Ordres mendiants, et plus spécifiquement des Dominicains. Jean-Pierre Torell retrace dans sa vie de Thomas d'Aquin (Thomas d'Aquin en plus simple, aux éditions du Cerf) les luttes épiques des ordres mendiants pour se faire une place, notamment à l'université de Paris. Pour ceux qui connaissent la rue Saint Jacques à Paris, qu'ils en imaginent l'accès bloqué par les séculiers pour empêcher Thomas d'enseigner. Et les échauffourées n'étaient pas seulement théologiques!

Séculiers contre mendiants, séparés du monde ou levain dans la pâte...

Les Franciscains et les Dominicains subirent une véritable persécution de ceux qu'on nommait séculiers. C'était l'apparition mouvementée et importante d'une nouvelle force vocationnelle dans l'Eglise. Voici la quatrième de couverture d'un livre de Thomas traduit par J-P. Torell :

Nouvellement arrivés dans la capitale et encore dans la fraîcheur de leur vocation, les ordres mendiants n'y sont pas les bienvenus. Acteurs de progrès intellectuels et de renouvellement religieux, ils se heurtent à l'hostilité quasi générale des autorités déjà en place qui multiplient contre eux les pires calomnies. Aux côtés des franciscains, saint Bonaventure notamment, Thomas, le dominicain, revendique donc pour lui et ses frères le droit d'enseigner et de prêcher ainsi que celui de mener un style de vie religieuse inédit jusqu'alors. Dans le premier de ces trois livres, Contre les ennemis du culte de Dieu et de l'état religieux, le Maître d'Aquin mène le combat contre Guillaume de Saint-Amour qui, sans trop de nuances, voyait les religieux comme des envoyés de l'Antichrist, écrivant contre eux un libelle qui fit quelque bruit : Les Périls des derniers temps. Un autre interlocuteur, Gérard d'Abbeville, s'en prenait (pas toujours sans raison) aux méthodes de recrutement des nouveaux ordres. C'est à lui qu'est destiné l'un de ces trois ouvrages : Contre l'enseignement de ceux qui détournent de l'état religieux. Entre ces deux livres, saint Thomas a trouvé le temps d'écrire une pure merveille (le mot n'est pas trop fort) : La Perfection de la vie spirituelle, dont on ne saurait trop recommander la lecture. Entraîné dans la polémique malgré lui, Thomas reste ici égal à lui-même et transcende vite le débat. Ce qui avait commencé comme une misérable querelle de clocher universitaire se révèle rapidement avoir une dimension ecclésiale et spirituelle tout à fait inattendue. 

Dans son livre " la perfection de la vie spirituelle", Thomas pose les bases de la vie religieuse au positif. L'Eglise vit encore sur ces bases en ce qui concerne les ordres religieux. 
Mais cet écrit était polémique aussi et tourné contre les séculiers. Ceux-ci, pourtant, n'ont pas cessé d'exister. Leur apport reste aussi vital. 
Qu'on soit religieux ou séculier, toutes les vocations sont complémentaires. Elles sont toutes une affaire du Coeur de Jésus. 
Il est important de connaître ces luttes historiques et leurs conséquences positives comme négatives. Au positif, on voit l'émergence de formes nouvelles de vocations. Au négatif, on a une sorte de dévaluation de la vocation de l'autre au profit de la "vocation montante". C'est toujours une erreur. Et elle vient toujours de circonstances historiques circonstancielles. L'ordre des Jésuites, ne l'oublions pas, fut dissous ! L'ordre des Vierges en plein monde, interdit en 1927 par la Congrégation des Religieux avant de ressurgir en 1970 grâce au Concile et à la définition de l'apostolat des laïcs. La prélature de l'Opus Dei, de par sa vocation séculière, fut longtemps freinée par des tentatives de l'intégrer à une forme religieuse... sur le modèle défini par Thomas !
 

La complémentarité des vocations issue de l'histoire parfois mouvementée

En terme de vocation, le paradoxe, c'est que de nouvelles formes "montantes" viennent en déranger de plus anciennement établies au risque de devenir les formes établies pour les siècles suivants . Et l'Eglise doit discerner, dans la polémique, ce qui vient de l'Esprit Saint et ce qui vient de l'esprit de division ou de raidissement idéologique. L'esprit de clocher peut avoir des conséquences néfastes sur des siècles de durée. Apparemment, la forme religieuse établie par les ordres mendiants s'oppose aujourd'hui trop fortement à la redécouverte de l'esprit séculier de l'évangélisation : le levain dans la pâte est aussi indispensable que la separation mundi (la séparation du monde par les voeux religieux). Si on veut de saines vocations, il faut de bons historiens non partisans. Relisons maintenant Lumen Gentium 31, et nous verrons la complémentarité issue de l'histoire :

Le caractère séculier est le caractère propre et particulier des laïcs. En effet, les membres de l’ordre sacré bien qu’ils puissent se trouver engagés dans les choses du siècle, même en exerçant une profession séculière, restent, en raison de leur vocation particulière, principalement et expressément ordonnés au ministère sacré ; les religieux, de leur côté, en vertu de leur état, attestent d’une manière éclatante et exceptionnelle que le monde ne peut se transfigurer et être offert à Dieu en dehors de l’esprit des Béatitudes. La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée. À cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d’espérance et de charité.

Le conseil pratique, c'est de lire un peu d'histoire des formes vocationnelles possibles. Sans éluder la part de conflit et d'opposition plus ou moins légitime, se former en histoire vocationnelle permet d'éviter deux écueils : accepter des formes totalement aberrantes ou refuser toute nouveauté.
Un peu d'histoire montrent que des attaques trop virulentes produisent des argumentations trop "bétonnées", excessivement défensives ou offensives du style : nous sommes l'avenir de l'Eglise et les autres vont disparaître (parce qu'ils ne veulent pas de nous). Ce n'est jamais ce qui se passe. En définitive, on trouve des saints chez tous : chez les ordres mendiants, chez les séculiers... la diversité naît parfois dans l'adversité, mais la communion est toujours le fruit du retour à la source : le Coeur de Jésus qui a voulu toutes les vocations.

Anne C

Lundi 7 Juin 2021
Lu 545 fois