Sauvés des illusions
En Egypte, Joseph a été confronté aux illusionnistes de Pharaon, les descendants de ceux que Moïse avait affronté. Ceux de l'époque de Moïse changeaient l'eau du fleuve en sang. Joseph, lui, n'a probablement vu que ceux qui faisaient des tours de magie dans les rues, des charmeurs de serpents, ou de plus redoutables qu'un simple regard de l'Enfant dans les bras de Marie faisait fuir. L'heure de Jésus n'étant pas arrivée encore de changer l'eau non pas en sang mais en vin, comme signe d'un Sang qui sauve des illusions.
Notre époque affronte les illusionnistes de la foi et de la morale. Ils sont l'ivraie qui s'enroule autour du bon grain et pourrait l'étouffer si le Maître ne veillait. Liées ensemble, l'illusion de sainteté et la réalité de sainteté seront jugées au dernier temps, y compris dans la frontière de nos propres coeurs. En attendant, l'illusion peut parfois tromper même les élus. Sa tromperie la plus forte est celle du désespoir. Pour ceux qui ont lu Les Illusions perdues de Balzac, roman prémonitoire sur le développement de la tromperie dans le personnage fascinant de Vautrin, le mécanisme doit mener à la corruption par l'illusion finale : celle que la sainteté n'existe pas.
Notre époque affronte les illusionnistes de la foi et de la morale. Ils sont l'ivraie qui s'enroule autour du bon grain et pourrait l'étouffer si le Maître ne veillait. Liées ensemble, l'illusion de sainteté et la réalité de sainteté seront jugées au dernier temps, y compris dans la frontière de nos propres coeurs. En attendant, l'illusion peut parfois tromper même les élus. Sa tromperie la plus forte est celle du désespoir. Pour ceux qui ont lu Les Illusions perdues de Balzac, roman prémonitoire sur le développement de la tromperie dans le personnage fascinant de Vautrin, le mécanisme doit mener à la corruption par l'illusion finale : celle que la sainteté n'existe pas.
Le tentateur invisible
Vautrin est, dans plusieurs romans de Balzac, notamment Splendeurs et misères des courtisanes, un forçat prenant plusieurs identités, dont celle d'un prêtre. C'est un corrupteur et un assassin. Il empêche Lucien de Rubempré qu'il va asservir de se suicider dans un premier temps, avec ce discours :
Je vous maintiendrai, moi, d'une main puissante dans la voie du pouvoir, et je vous promets néanmoins une vie de plaisirs, d'honneurs, de fêtes continuelles… Jamais l'argent ne vous manquera. Vous brillerez, vous paraderez, pendant que, courbé dans la boue des fondations, j'assurerai le brillant édifice de votre fortune. J'aime le pouvoir pour le pouvoir, moi ! Je serai toujours heureux de vos jouissances qui me sont interdites. Enfin, je me ferai vous !… Eh ! bien, le jour où ce pacte d'homme à démon, d'enfant à diplomate, ne vous conviendra plus, vous pourrez toujours aller chercher un petit endroit, comme celui dont vous parliez, pour vous noyer : vous serez un peu plus ou un peu moins ce que vous êtes aujourd'hui, malheureux ou déshonoré.
— Ceci n'est pas une homélie de l'archevêque de Grenade ! s'écria Lucien en voyant la calèche arrêtée à une poste.
— Je ne sais pas quel nom vous donnez à cette instruction sommaire, mon fils, car je vous adopte et ferai de vous mon héritier ; mais c'est le code de l'ambition. Les élus de Dieu sont en petit nombre. Il n'y a pas de choix : ou il faut aller au fond du cloître (et vous y retrouverez souvent le monde en petit !), où il faut accepter ce code.
( Les Illusions Perdues)
— Je ne sais pas quel nom vous donnez à cette instruction sommaire, mon fils, car je vous adopte et ferai de vous mon héritier ; mais c'est le code de l'ambition. Les élus de Dieu sont en petit nombre. Il n'y a pas de choix : ou il faut aller au fond du cloître (et vous y retrouverez souvent le monde en petit !), où il faut accepter ce code.
( Les Illusions Perdues)
corruption et rédemption
La lecture de Balzac peut permettre de connaître l'âme humaine, c'est le rôle de la grande littérature. Et lorsque Balzac montre le mécanisme de désillusion qui mènera Lucien de Rubempré au suicide final, il montre aussi une sorte de rédemption chez Vautrin, le faux prêtre que cette mort fera se "ranger", sauver réellement des vies et devenir... espion de police!
S'il n'y a pas sainteté chez Vautrin, il y a rédemption plus ou moins. Et utile leçon contre la naïveté face au mal.
Mais la sainteté est le seul remède, et la sainteté fiable doit être comme celle de Joseph : capable de s'opposer à Hérode, elle est cohérente dans tous les domaines de la vie. Le relativisme actuel qui veut que l'on soit saint dans un domaine et perverti dans l'autre en même temps, et que l'on continue à dire que c'est de la sainteté, est voué à la désillusion complète. Bâtir sur le sable du relativisme, dire qu'une horreur est moins horrible à une époque qu'à une autre, avoir des vices incompatibles avec la sainteté qu'on prétend afficher s'appelle hypocrisie. Notre époque préfère les pécheurs non hypocrites aux tartufes sophistiqués, et elle n'a pas tort.
Joseph est le saint caché, celui que la gloire de ce monde, le piédestal médiatique ( grande arme de corruption de Vautrin qui fera de Lucien un journaliste renommé), l'argent, le mensonge, la vie mal famée et les relations corrompues secrètes ne peuvent ni dominer, ni séduire. Aucun complice ne peut corrompre Joseph car il ne cherche pas sa gloire. Il ne prend aucune gloire pour lui, il ne connait pas le star system, fût-il catho médiatique.
S'il n'y a pas sainteté chez Vautrin, il y a rédemption plus ou moins. Et utile leçon contre la naïveté face au mal.
Mais la sainteté est le seul remède, et la sainteté fiable doit être comme celle de Joseph : capable de s'opposer à Hérode, elle est cohérente dans tous les domaines de la vie. Le relativisme actuel qui veut que l'on soit saint dans un domaine et perverti dans l'autre en même temps, et que l'on continue à dire que c'est de la sainteté, est voué à la désillusion complète. Bâtir sur le sable du relativisme, dire qu'une horreur est moins horrible à une époque qu'à une autre, avoir des vices incompatibles avec la sainteté qu'on prétend afficher s'appelle hypocrisie. Notre époque préfère les pécheurs non hypocrites aux tartufes sophistiqués, et elle n'a pas tort.
Joseph est le saint caché, celui que la gloire de ce monde, le piédestal médiatique ( grande arme de corruption de Vautrin qui fera de Lucien un journaliste renommé), l'argent, le mensonge, la vie mal famée et les relations corrompues secrètes ne peuvent ni dominer, ni séduire. Aucun complice ne peut corrompre Joseph car il ne cherche pas sa gloire. Il ne prend aucune gloire pour lui, il ne connait pas le star system, fût-il catho médiatique.
Les fils de l'ombre et les fils de la lumière
Notre époque est remplie de saints qui remplissent les critères de Joseph, à commencer par une myriade d'humbles et de petits dont la vie de défraye pas la chronique, mais dont les chroniques donnent vie au quotidien, dans une fidélité inlassable et vérifiable, sans hypocrisie ni double visage.
Une illusion est toujours une focalisation erronée : l'illusionniste attire l'attention sur un point, et détourne l'attention de la réalité, y compris de la réalité de sainteté. Rêve impossible, moyens tordus, illusion de construction sur des sables mouvants. Ce qui n'est pas sur le roc tombera entièrement, et cela reste une illusion de croire que cela tiendra. Vautrin en avertit lui-même ses proies : ils finiront déshonorés.
Mais la sainteté et les paroles de Jésus de passeront pas. A nous de porter notre attention ailleurs que sur l'illusion. C'est probablement pour cela qu'il n'y a jamais eu tant de saints canonisés offerts à notre contemplation : tous ont été fidèles, et vrais, bons grain au milieu de l'ivraie, tellement au milieu de l'ivraie que parfois ils sont sur les mêmes photos de famille que les hypocrites. Fiables et solides, ils ont tenu jusqu'au bout malgré leurs propres faiblesses et péchés, ils ont été authentiques, cohérents, entiers. Et cachés comme Joseph, même quand ils étaient sous les feux des médias : ils savaient que le discernement final mettrait Dieu en lumière dans leur vie, le projecteur de la vérité finissant toujours par détruire le mensonge.
Terminons par la sagesse d'une grande sainte , Edith Stein :
« Dans la nuit la plus obscure surgissent les plus grandes figures de prophètes et de saints. Mais le courant de la vie mystique qui façonne les âmes reste en grande partie invisible. Certaines âmes dont aucun livre d’histoire ne fait mention, ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l’histoire universelle. Ce n’est qu’au jour où tout ce qui est caché sera manifesté que nous découvrirons aussi à quelles âmes nous sommes redevables des tournants décisifs de notre vie personnelle »( Edith Stein, Vie cachée et épiphanie, Source cachée (Œuvres spirituelles, Paris 1998, pp. 241-247), citée par le pape François dans Gaudete et exultate, n°8.
Anne C
Une illusion est toujours une focalisation erronée : l'illusionniste attire l'attention sur un point, et détourne l'attention de la réalité, y compris de la réalité de sainteté. Rêve impossible, moyens tordus, illusion de construction sur des sables mouvants. Ce qui n'est pas sur le roc tombera entièrement, et cela reste une illusion de croire que cela tiendra. Vautrin en avertit lui-même ses proies : ils finiront déshonorés.
Mais la sainteté et les paroles de Jésus de passeront pas. A nous de porter notre attention ailleurs que sur l'illusion. C'est probablement pour cela qu'il n'y a jamais eu tant de saints canonisés offerts à notre contemplation : tous ont été fidèles, et vrais, bons grain au milieu de l'ivraie, tellement au milieu de l'ivraie que parfois ils sont sur les mêmes photos de famille que les hypocrites. Fiables et solides, ils ont tenu jusqu'au bout malgré leurs propres faiblesses et péchés, ils ont été authentiques, cohérents, entiers. Et cachés comme Joseph, même quand ils étaient sous les feux des médias : ils savaient que le discernement final mettrait Dieu en lumière dans leur vie, le projecteur de la vérité finissant toujours par détruire le mensonge.
Terminons par la sagesse d'une grande sainte , Edith Stein :
« Dans la nuit la plus obscure surgissent les plus grandes figures de prophètes et de saints. Mais le courant de la vie mystique qui façonne les âmes reste en grande partie invisible. Certaines âmes dont aucun livre d’histoire ne fait mention, ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l’histoire universelle. Ce n’est qu’au jour où tout ce qui est caché sera manifesté que nous découvrirons aussi à quelles âmes nous sommes redevables des tournants décisifs de notre vie personnelle »( Edith Stein, Vie cachée et épiphanie, Source cachée (Œuvres spirituelles, Paris 1998, pp. 241-247), citée par le pape François dans Gaudete et exultate, n°8.
Anne C