Suivre jésus-Christ n’a pas ici le sens général où le mot concerne tous les hommes ; il ne veut pas simplement dire : partager la route avec le Seigneur ; " suivre" est pris au sens spécifique préfiguré par Moïse et Elie dans l’Ancien testament : le sens d’une succession ministérielle, d’une succession dans la tâche donnée, le fait d’être intégré dans une mission particulière. Il s’agit donc de ce qu’on appellera plus tard la " succession apostolique", le sacerdoce de l’Eglise. C’est la raison pour laquelle cet évangile, en étant précisément un évangile du mistère de jésus-Christ, est en même temps un évangile du service du sacerdoce. Il nous parle à cette heure où nous voyons la longue colonne historique de ceux qui ont entendu cet appel : à cette heure où nous touchent la question de l’avenir et l’appel du présent.(…)
(…) Le sacerdoce n’est pas une chose qu’on se donne à soi-même. On ne peut pas se l’imaginer comme une sorte d’assurance pour la vie, de gagne-pain, un moyen d’atteindre une position sociale. On ne peut pas simplement le choisir comme quelque chose en quoi on trouve sécurité, amitié et protection, comme un projet selon lequel on voudrait construire sa vie. Ce ne peut jamais être simplement un mode de subsistance, un choix personnel. Le sacerdoce justement compris, on ne peut pas se le sonner à soi-même, ni même le rechercher pour soi. Ce ne peut être qu’une réponse à sa volonté, à son appel.
(…)" C’est de toi tout entier que j’ai besoin". Le Sacerdoce ne tolère pas un mi-temps ni un coeur partagé. c’est une chose qui a besoin d’un homme se donnant lui-même, et ne donnant pas seulement une partie de son temps, de ses capacités.
Cela nous ramène à elie, le grand modèle, qui résume parfaitement tut cela. Elisée voudrait devenir successeur ; Elie lui dit : " C’est difficile ! Tu ne le peux que si tu es en mesure de rester là lorsque je serai enlevé, si tu peux rester près du feu" Et il y réussit. Ce que nous avons entendu de l’appel de Jésus à marcher à sa suite traduit dans la pratique ces paroles d’Elie : suivre le Christ requiert le courage de demeurer à côté de son char de feu, le courage de se tenir près du feu qu’il est venu apporter sur la terre pour qu’il brûle. Il existe une parole de Jésus qui nous a été transmise par Origène : " Celui qui est près de moi est près du feu". Celui qui ne veut pas être brûlé reculera d’effroi devant lui. Le oui de qui suit le Christ implique le courage de se laisser brûler par le feu de sa Passion, qui est en même temps le feu salvifique du Saint Esprit. Ce n’est que si nous avons le courage d’être près de ce feu, si nous nous laissons enflammer nous-mêmes, que nous pourrons aussi allumer son feu sur cette terre, le feu de la vie, de l’espérance et de l’amour. Le noyau de l’appel, c’est au fond toujurs ceci : la nécessité d’être prêts à nous laisser embraser par lui, à être transformés en braises ardentes d’un coeur brûlant de la force de sa Parole. si nous sommes tièdes, ennuyeux, nous ne pourrons pas allumer de feu dans ce monde, nous ne pourrons pas apporter la force de la conversion.
Annoncer la joie
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Mais il y a encore une parole, celle où Jésus dit : " laisse les morts enterrer leurs morts ; toi, va annoncer la Bonne Nouvelle". Travailler pour les biens et les propriétés de ce monde, c’est au fond se souvier de ce qui est mort. " mais toi, laisse le travail de mort de ce monde, et annonce la joie", voilà le noyau véritable de l’appel que le Seigneur adresse à ceux qui doivent propager sa Parole.
Annoncer la joie : n’est-ce-pas pour cela que paul appelait les serviteurs de l’Evangile " serviteurs de votre joie" ? On parle beaucoup ici de la Passion de jésus, mais c’est justement d’elle que provient la joie authentique. Ce que montre le char de feu de Jésus-Christ, c’est que notre existence en ce monde n’est pas une vie pour la mort, une vie issue du néant et retournant au néant, mais une vie qui, dès le début, est voulue par un amour infini et s’avance vers lui. Cette joie du Seigneur, nous la trouvons lorsque nous avons le courage de nous laisser embraser par son message. Et lorsque nous l’avons trouvée, nous pouvons enflammer les autres, car nous sommes alors les serviteurs de la joie au sein d’un monde de mort.
Prions le Seigneur de faire se lever en ous cette lumière, le feu de sa joie. Remercions-le de ce que durant ces millénaires, il y a toujours eu des hommes prêts à mettre la main à la charrue sans regarder en arrière. Prions-le pour qu’il en trouve beaucoup, en particulier à cette heure, qui lui offre un oui sans réserve. demandons-lui de nous donner le courage de mettre la main à la charrue pour devenir des serviteurs de joie dans ce monde. Amen.
Extraits de Serviteurs de votre Joie, Joseph Ratzinger, Editions Fayard, p 25 à 36
voir également Le Prêtre, Serviteur de votre Joie, Benoît XVI (1)
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