For interne, spiritualité et salariat
C'est une question délicate. Le pape François rappelait aux canonistes en janvier 2019 que la question des rapports entre le for interne et le for externe est son souci majeur : " Et je voudrais ajouter — hors texte — un mot sur le terme «for interne». Cette expression ne s’emploie pas à la légère: elle est sérieuse! Le for interne, c’est le for interne et cela ne peut pas sortir à l’extérieur. Et je dis cela parce que je me suis aperçu que, dans certains groupes au sein de l’Eglise, les responsables, les supérieurs — disons-le ainsi — mélangent les deux choses et prennent ce qui appartient au for interne pour les décisions qui concernent le for externe, et vice-versa. Faites attention, c’est un péché! C’est un péché contre la dignité de la personne qui fait confiance au prêtre, qui exprime sa propre situation pour demander le pardon et ensuite on l’utilise pour régler les affaires d’un groupe ou d’un mouvement, peut-être — je ne sais pas, j’invente — peut-être même d’une nouvelle congrégation, je ne sais pas. Mais le for interne est le for interne. C’est quelque chose de sacré. Je tenais à le dire parce que cela me préoccupe".
Le for interne peut-il être connu des employeurs?
Le for interne s'étend au delà du for interne sacramentel. Par exemple, un supérieur n'a pas à connaître votre for interne psychologique. Le "supérieur" peut être un employeur laïc ou non qui reçoit vos confidences spirituelles dans un cadre de "famille spirituelle". Voici les cas possibles : une communauté, un mouvement, créé des emplois, donne du travail. Si cela est fait dans les règles, le mouvement rémunère et verse un salaire aux employés qui appartiennent à la même famille spirituelle. Tant que l'employeur, le "patron", la directrice, la chef de service n'ont pas accès au for interne, on ne peut faire aucun reproche;
Il m'est arrivé d'accompagner une personne appartenant à une célèbre communauté italienne. Cette personne était engagée au célibat. Elle est tombée amoureuse. Son accompagnatrice spirituelle était aussi son employeur dans sa communauté. Elle a donc interprétée un non renouvellement de contrat comme une sanction de sa vie affective qu'elle avait confiée à son employeur non pas en tant qu'employeur mais en tant que soeur communautaire et responsable de l'accompagnement spirituel de sa petite fraternité de laïcs. La situation était typiquement un mélange des types d'autorité permettant un recoupement des informations acquises au for interne pour les utiliser au for externe. De plus, l'utilisation de la confidentialité ne pouvait que prendre l'allure d'un abus de pouvoir. Or, cette "structuration de péché" existe dans de nombreux mouvements.
Il m'est arrivé d'accompagner une personne appartenant à une célèbre communauté italienne. Cette personne était engagée au célibat. Elle est tombée amoureuse. Son accompagnatrice spirituelle était aussi son employeur dans sa communauté. Elle a donc interprétée un non renouvellement de contrat comme une sanction de sa vie affective qu'elle avait confiée à son employeur non pas en tant qu'employeur mais en tant que soeur communautaire et responsable de l'accompagnement spirituel de sa petite fraternité de laïcs. La situation était typiquement un mélange des types d'autorité permettant un recoupement des informations acquises au for interne pour les utiliser au for externe. De plus, l'utilisation de la confidentialité ne pouvait que prendre l'allure d'un abus de pouvoir. Or, cette "structuration de péché" existe dans de nombreux mouvements.
Défaire la situation à risque
Il est donc impératif pour chaque mouvement, structure ecclésiale, de vérifier ce point : les accompagnateurs spirituels peuvent-ils utiliser les confidences reçues dans les décisions organisationnelles? Même avec les meilleures intentions du monde ( Mais non, disent-ils, jamais je n'en parlerai, c'est bien séparé dans ma tête et la personne est libre et se confie volontairement tout en restant l'unique maître de ses décisions spirituelles!), la situation à risque est celle-ci : même en ayant une saine expérience spirituellement et en accompagnant saintement, même avec l'accord au préalable de l'accompagné, celui ou celle (laïc ou prêtre) qui cumule les deux autorités met en place une structure de péché. Quand cela tournera mal, lorsque les accompagnés se rebelleront (à tort ou à raison), il sera impossible à la structure de se défendre et de se dédouaner. Même en ne commettant aucun abus réel, la situation à risque est suffisante pour rendre la structure et ses représentants coupables aux yeux de ses accusateurs, surtout dans les médias.
Le péché est dans le cumul des autorités
Les responsables doivent défaire ce cumul. Ils comprendront alors la cause d'accusations à leurs yeux infondées. Elles le sont parfois mais pas toujours quand l'accusateur est dans son tort spirituellement (au for interne! mais il n'est peut-être pas en situation de péché), mais EN MÊME TEMPS dans son droit légitime (au for externe, par rapport à la législation, au droit du travail!). C'est à la structure de se modifier. Le mélange peut être subtil ou tellement ancré que l'on ne voit pas les dégâts qu'il occasionne : conflits, départs, retournement contre la famille spirituelle, perte de confiance, procès financiers....
La solution est dans la créativité structurelle
"Mais on a toujours fonctionné comme cela!", diront de saintes personnes. Peut-être, c'est le propre des situations à risque. On peut rouler sans assurance pendant des années, mais le jour où arrive un accident, on n'est pas couvert! Il faut prendre une assurance, et cette assurance, c'est la séparation du for interne et du for externe. Cette séparation peut être coûteuse : création de structures annexes, formations, dépenses, etc. Mais le gain, c'est la paix retrouvée, la résolution des conflits, la possibilité de se défendre en prouvant qu'on ne pouvait utiliser des confidences car on ne pouvait pas les recevoir!
Pour certains mouvements, communautés, cette réalité nouvelle est une remise en cause, car ils se pensent exempts de mélange des fors. De fait, ils peuvent être irréprochables quant à la séparation du for sacramentel et de l'autorité organisationnelle. Mais les laïcs aussi peuvent mélanger les fors, et ceci dans leur domaine propre, celui du temporel, en exerçant leur droit relativement nouveau d'accompagner spirituellement. Dans ce cas, le laïc qui accompagne spirituellement doit veiller doublement à n'être en aucun cas l'employeur, le responsable de maison, le directeur organisationnel de ceux ou celles qu'il accompagne. Le laïc aussi doit sortir de la situation à risque du mélange des fors qui serait de son fait. S'il reçoit les questionnements et confidences spirituels des personnes, même au positif (désir de progrès, confidences de désir d'apostolats, de création charitable, de lectures spirituelles), il exerce un pouvoir de conseil, d'écoute. Et il est DANS LA CONFIDENCE. C'est la clé de la situation à risque. Il est important qu'il ne vive pas, et n'interfère pas dans l'organisation de vie des personnes dont il reçoit les confidences.
Les structures de travail appartenant à des familles spirituelles doivent prendre conscience de ce point et vérifier en profondeur leur pratique, si elles veulent éviter des pertes vocationnelles graves et à leurs yeux incompréhensibles. L'Esprit Saint est à l'oeuvre dans cette structuration saine, et Il agit actuellement pour préserver des apostolats féconds mais en situation à risque. La solution : une grande créativité chez les mouvements et communautés pour instaurer des structures d'accompagnements sans mélange des fors possibles!
AC
Pour certains mouvements, communautés, cette réalité nouvelle est une remise en cause, car ils se pensent exempts de mélange des fors. De fait, ils peuvent être irréprochables quant à la séparation du for sacramentel et de l'autorité organisationnelle. Mais les laïcs aussi peuvent mélanger les fors, et ceci dans leur domaine propre, celui du temporel, en exerçant leur droit relativement nouveau d'accompagner spirituellement. Dans ce cas, le laïc qui accompagne spirituellement doit veiller doublement à n'être en aucun cas l'employeur, le responsable de maison, le directeur organisationnel de ceux ou celles qu'il accompagne. Le laïc aussi doit sortir de la situation à risque du mélange des fors qui serait de son fait. S'il reçoit les questionnements et confidences spirituels des personnes, même au positif (désir de progrès, confidences de désir d'apostolats, de création charitable, de lectures spirituelles), il exerce un pouvoir de conseil, d'écoute. Et il est DANS LA CONFIDENCE. C'est la clé de la situation à risque. Il est important qu'il ne vive pas, et n'interfère pas dans l'organisation de vie des personnes dont il reçoit les confidences.
Les structures de travail appartenant à des familles spirituelles doivent prendre conscience de ce point et vérifier en profondeur leur pratique, si elles veulent éviter des pertes vocationnelles graves et à leurs yeux incompréhensibles. L'Esprit Saint est à l'oeuvre dans cette structuration saine, et Il agit actuellement pour préserver des apostolats féconds mais en situation à risque. La solution : une grande créativité chez les mouvements et communautés pour instaurer des structures d'accompagnements sans mélange des fors possibles!
AC