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Psychologie et for interne/externe : sortir du "point mort" dû au déni et retrouver confiance



Faut-il garder sa reconnaissance pour les grâces issues de fondateurs pervers?

L'homme qui me parle est sincère : il sait que les victimes souffrent, que le fondateur et la fondatrice de l'oeuvre dont il fait partie depuis quarante ans sont des menteurs, mais voilà, il reste reconnaissant. " A chacun son chemin, mon expérience à moi avec eux a été bonne, ils ne sont pas tout mauvais, je ne les juge pas".

Son langage renforce la souffrance des victimes, les reléguant une fois de plus dans le silence face au déni : comment répondre à ces trois formes de manipulation, de déni et d'adulation persistante?

Comprendre le phénomène de la boîte de Pandore et du déni : on ne juge pas, on neutralise d'abord la structure de péché

Il ne s'agit pas de juger (Dieu s'en charge), effectivement, les pervers, mais de les neutraliser en dénonçant la structure de péché et de manipulation qu'ils ont mise en place. 
Avec certaines personnes, en l'occurrence l'exemple très fréquent synthétisé ci-dessus, les manipulateurs pervers montrent un visage parfait : avec un cercle choisi et sélectionné, ils seront semblables à des saints. Ils donneront des conseils judicieux, seront bons et en apparence parfaits. De plus, ils établiront des liens privilégiés de confidences, de missions, de confiance. 
De l'autre côté, les victimes de ce double visage subiront abus, promesses non tenues, insultes, etc. 

Ici intervient la "boîte de Pandore" : pour ceux qui ont été traités comme des privilégiés, par le "gourou fondateur", la "fondatrice manipulatrice", il est très difficile de remettre en cause l'apparente perfection du gourou. Cela revient à ouvrir une boîte remplie de désillusions terribles : le mensonge est abyssal, et ils en sont comme, je dis bien, comme complices. Cette complicité est ce qui les fait entrer dans le déni. Ils n'ont rien vu, ils ont été privilégiés, ils ont servi (et servent encore) de bouclier, de façade. Leur conviction, mal fondée mais sincère, fait partie du pouvoir du manipulateur ou de la manipulatrice. Ils ont été et restent ses meilleurs ambassadeurs et n'ont pas de raison personnelle de remettre en cause le système dont ils sont des garants aveugles mais innocents. Dès qu'ils commencent à voir, ils entrent dans une injonction contradictoire : juger, ou plutôt remettre en cause un saint (à leurs yeux) à qui ils doivent ( à leurs yeux) reconnaissance, conversion, etc.
 

Sincèrement complices et "au point mort" quand la vérité est dévoilée

Quand le masque du manipulateur tombe, les victimes de la face sombre du pervers sortent du déni plus rapidement, surtout si elles trouvent des aides qui dénoncent la structure de péché et le mécanisme de manipulation. Les autres restent au point mort : "Je ne juge pas". Comment sortir tout le monde de cette impasse? En jugeant non pas les personnes manipulatrices mais en jugeant, ou mettant à jour, la structure de péché qu'elles ont instaurée.

La structure de péché consiste, dans une communauté, à laisser le fondateur, la fondatrice, leur cercle proche, mélanger accompagnement spirituel et accompagnement/manipulation psychologique. Ainsi, quand les victimes de la face sombre chercheront à sortir du piège, elles ne trouveront pas d'appui ni d'écoute. Ouvrir la boîte de Pandore du double visage oblige les "complices sincères" à remettre en cause les privilèges, les confidences, les décisions prises sous l'emprise du manipulateur. Pour une communauté, un mouvement d'Eglise, cela revient à défaire toute la structure de gouvernement pour en retirer le mélange du for interne et du for externe afin de faciliter la prise de parole libre de tous : les sincères, victimes indirectes, et les victimes directes. Tant que la structure de péché reste en place, tout le monde reste "au point mort" : on sait, disent les sincères, mais on reste reconnaissant, on ne juge pas, etc... La liberté n'est pas encore recouvrée, l'emprise demeure réelle.

Remplacer la structure de péché

Une fois neutralisée, la structure de péché s'effondre. Il convient de la remplacer par une structure saine. En droit canon, le premier pas pour sortir une communauté, un mouvement, du "point mort", consiste à dire la vérité qui rendra libre, mais le deuxième pas, indispensable, consiste à séparer gouvernement et accompagnement spirituel. Or, le "point mort" persiste : les communautés, les statuts, disent de le faire, tout le monde s'exclament : " Mais c'est évident!", et rien n'avance. Le point mort persiste jusqu'à ce que les "sincères" renoncent à leur adulation du gourou, homme ou femme, en rendant le bien reçu à qui de droit : à Dieu, à des personnes droites souvent discrètes, à des saints canonisés ou non qui ne présentent pas de double visage mais une sainteté truffées de défauts, d'améliorations, de conversions successives. Vous l'aurez compris, l'adulation est la cause du "point mort". Il convient alors de retrouver les moments, les injonctions de reconnaissance mises en place par le gourou : l'adulation se base sur l'usurpation de reconnaissance. Je ne dois rien à un manipulateur qui s'est servi de moi pour construire son image ! Je dois au contraire m'en libérer.

Même une conversion, une grâce, un mariage : s'ils reposent sur le manipulateur, ils tomberont. Raison de plus pour sortir de l'adulation et trouver les vraies sources de la grâce reçue : une personne discrète qui a prié, un handicapé qui a offert de l'amour gratuit, un saint inconnu qui a intercédé... Il s'agit de mettre en lumière la structure vertueuse réelle et souvent cachée qui a permis les grâces reçues.

Confiance dans les saints

Récapitulons : comment retrouver confiance ? Après la prise de conscience, l'ouverture de la boîte de Pandore, la révélation du double visage, la reconnaissance des victimes, la renonciation à l'adulation mise en place par le manipulateur est fondamentale pour sortir du point mort et ôter définitivement la structure de péché qui lui a permis de faire tant de victimes. Alors seulement on peut développer la structure vertueuse à venir.

Qui sont les vrais saints ? Ce sont ceux qui ne sont pas parfaits, tout en étant vrais. Ils ne sont pas dans le star système. Ils rendent aux petites mains, aux discrets, le mérite effectif de 100 % de leurs participations, eux-mêmes refusent et rejettent toute forme d'adulation. Ils mettent des barrières efficaces entre le star systeme et eux-mêmes : discrétion, séparation du for interne et du for externe, délégation des pouvoirs, statuts ecclésiaux conformes au droit canon, transparence sur tous les aspects de leur vie, sobriété de train de vie, etc. Leur caractéristique la plus importante est la transparence, une transparence vérifiable.

Et enfin, en forme de question, les saints authentiques ne sont-ils pas toujours entourés d'un réseau de sainteté et de personnes qui travaillent avec eux ? Ne pourrait-on désormais mettre parmi les critères de discernement de béatification non seulement leur discrétion, mais aussi leur capacité à mettre en lumière le travail de leurs collaborateurs ? Une image pour faire comprendre cela : Steve Job (ce n'est pas un saint!) a fait mettre dans le premier modèle d'ordinateur qu'il a vendu au monde entier les noms de tous ses collaborateurs, à l'intérieur de la coque et invisible au public. Tous étaient très fiers, même s'ils étaient cachés et que leurs noms ont été plus ou moins oubliés. Les saints font l'inverse : ils mettent en lumière leurs collaborateurs, et Dieu. Eux-mêmes se cachent dans la coque, si j'ose dire; de leur vivant. La canonisation revient à mettre en valeur leur charisme et leur "réseau de sainteté" et Jésus comme unique source de sainteté. Or, seul Jésus a tous les mérites. 
Et que fait Jésus ? Il met en valeur notre pauvre collaboration, nos cinq pains et nos trois poissons!

AC

Mercredi 11 Mai 2022
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