‘Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé’ L’œuvre du Salut dans nos vies à travers le Livre de l’Apocalypse
Voici tout un parcours sur le livre de l’Apocalypse, à partir d’une retraite donnée par le P. Xavier Géron. Découvrez-le dans notre nouvelle rubrique "Parcours : l’Oeuvre du Salut à travers le livre de l’Apocalypse"
Présentation
Révélation : la richesse du Salut opéré par le Christ
La particularité du Livre de l’Apocalypse est certainement son style littéraire. Il est nécessaire de l’expliquer avant de l‘ouvrir et de s’y plonger. Déjà le mot lui-même apocalypse est porteur d’une signification déviée par l’usage erroné qu’on en a fait. Il signifie avant tout révélation – apo-kaluptein – mais les images qui le composent ont souvent fait penser à l’avènement de la fin du monde et sa destruction. Ce qui est tout à fait étranger au propos de ce Livre.
Le propos de ce Livre est plutôt de nous faire découvrir la richesse du Salut opéré par Jésus sur la Croix et de l’accueillir dans notre vie personnelle. Ou mieux, de découvrir comment le Seigneur exerce sa puissance de Salut dans notre vie, afin de la reconnaître et lui permettre de déployer toute sa puissance grâce à notre coopération. On pourrait dire que ce Livre répond à la question que le Christ ne cesse de nous poser : « Veux-tu guérir ? » (Jn 5, 6).
Les caractéristiques littéraires du livre de l’Apocalypse
Cette précaution étant faite, nous pouvons présenter sommairement les caractéristiques littéraires du Livre.
On y trouve une grande quantité de références vétéro-testamentaires, notamment tirées des Prophètes et plus particulièrement Isaïe, Zacharie, Ezéchiel, Daniel,. Les deux derniers cités sont copieusement repris à travers les théophanies, c’est à dire les apparitions divines. Ce sont des expressions privilégiées de ce qu’on appelle le style apocalyptique qui s’est déployé dans la littérature biblique durant le temps des persécutions. Egalement présentes sont les images du Livre de l’Exode, car notre Livre est aussi un Livre de cheminement, une marche d’accomplissement du Salut, un itinéraire de vie. Et c’est avec toute la tradition d’Israël qui est là présente bien au-delà des mots eux-mêmes.
La prolifération d’images : On doit signaler la répétition intentionnelle de l’expression ‘je vis’, une bonne soixantaine de fois. Qui dit vision dit images. On les distingue en : similitudes : de nombreuses évocations : Une voix comme une trompette Quelqu’un comme un fils d’homme symboles : feu, sang, eau vive, mer, balance … qui invitent à passer d’une réalité imagée à une réalité à expérimenter images de l’Ancien Testament : agneau, fleuve, manne, arbre de vie, arc en ciel, trône, temple, archer, aigle, pasteur insignes : ceinture d’or, sceptre, glaive, couronne, robe blanche références aux couleurs, aux chiffres et aux minéraux : plusieurs septénaires : 7 étoiles, 7 Eglises, 7 chandeliers, 7 esprits, 7 sceaux, 7 trompettes, 7 tonnerres, 7 coupes, 7 béatitudes, 7 cornes et 7 têtes les chiffres : les 24 anciens, les 12 tribus, les 10 cornes, les 4 vivants, les 3 malheurs, les 42 mois, Le chiffre 666, etc. l’or, la blancheur, le rouge feu, les cavaliers blanc, rouge, noir et vert la chrysoprase, l’hyacinthe, le béryl, la topaze et le jaspe parmi d’autres… des grands tableaux ou visions : signes dans le ciel comme le Christ ressuscité, la Femme, le Dragon, le Temple ouvert, la Cité Sainte la chute de Babel, le Fleuve de Vie un monde céleste où foisonnent les anges, style proprement apocalyptique où le ciel vient sur la terre (cf le récit de la naissance de Jésus dans saint Luc)
Gare aux lectures fondamentalistes !
Face à ce style très déconcertant et pour le moins inhabituel, on doit se garder : de prendre au pied de la lettre le récit transcrit et éviter toute lecture fondamentaliste devant ce genre d’expression : manger le livre. de vouloir interpréter le texte pour y trouver des références historiques qui dévoileraient l’avenir et le sens des évènements ou encore y chercher une éventuelle date de la fin du monde. S’effrayer des images violentes ; elles ne sont que l‘expression de notre résistance à cause du péché face à la bonté de Dieu qui vient nous sauver. En outre, la proportion d’images belles et rassurantes, de bénédictions et de chants de victoire est bien plus importante que celle des malheurs divers qui effraient.
Une cohérence apportée par le Christ
Si l’on veut résumer le procédé littéraire utilisé par l’auteur, nous pouvons le traduire par une image : le Livre de l’Apocalypse est comme un édifice bâti avec des matériaux qui ont été taillés depuis longtemps dans différents ateliers spécialisés. Mais les ouvriers ne connaissaient pas la destination finale des pierres et des éléments décoratifs qu’ils façonnaient. L’architecte vient donc puiser dans ces différents ateliers que sont les Livres bibliques de l’Ancien Testament les matériaux avec lesquels il va dresser la construction. L’ouvrage est un assemblage remarquable de toutes les promesses que Dieu a confiées à son peuple au long des âges de la Révélation. Gardées précieusement, le Livre de l’Apocalypse leur confère leur valeur définitive.
Seule la connaissance du Christ ressuscité permettait de les rassembler dans une cohérence nouvelle et inconnue de tous. C’est pourquoi il est le dernier des Livres bibliques et que l’on ne peut ni rien lui retrancher ni rien lui ajouter sous peine de déformer le message du Christ : « Je déclare, moi, à quiconque écoute les paroles prophétiques de ce livre : "Qui oserait y faire des surcharges, Dieu le chargera de tous les fléaux décrits dans ce livre ! Et qui oserait retrancher aux paroles de ce livre prophétique, Dieu retranchera son lot de l’arbre de Vie et de la Cité sainte, décrits dans ce livre ! » (22, 18-19).
En conclusion, retenons que l’intention de notre auteur consiste à affermir la foi de la toute jeune Eglise répudiée par les autorités religieuses de Jérusalem et assimilée à une secte païenne. La prédication des apôtres va donc s’efforcer de répondre à ces deux défis : *enraciner d’une part, la foi chrétienne dans la tradition d’Israël véhiculée par les Ecritures puisque le Christ est bien le Messie annoncé par les prophètes et l’Eglise le véritable Israël ; *protéger d’autre part, l’Eglise de toute tentation d’idolâtrie que représente la séduction du paganisme religieux ambiant plus particulièrement sous la forme de la gnose qui propose un salut à travers la révélation d’une connaissance cachée et réservée à certains initiés.
Introduction spirituelle :
On ne reste pas devant Jésus crucifié sans que la puissance de ce mystère ne vienne profondément nous transformer. On pourrait évoquer combien la simple démarche de recueillement de Benoît XVI à la Basilique du Saint Sépulcre lors de son pèlerinage en Terre Sainte au mois de mai 2009 a été éloquente pour un grand nombre de personnes.
Le Livre de l’Apocalypse est la Révélation de cette puissance de transformation qui agit dans le cœur de l’homme en vue de le délivrer des pièges et des mensonges du monde ancien pour le faire entrer dans le monde nouveau. Il s’agit d’une entreprise de libération à travers la mise en lumière progressive de tous les obstacles qui ligotent l’âme et l’empêchent de rejoindre Dieu.
Le Livre de l’Apocalypse témoigne de la victoire de l’Amour de Dieu malgré toutes les résistances de la création en rébellion contre son Créateur, malgré le péché et ses conséquences le mal, malgré l’instigateur de la Mort. Il constitue la réponse victorieuse de l’homme à l’appel de Dieu. Il est la suite et la fin de cette longue histoire commencée par la quête de Dieu envers son enfant prisonnier de la peur engendrée par la désobéissance et qui se cache dans les replis de sa conscience accusatrice.
Entrer dans la lecture du Livre de l’Apocalypse c’est entrer dans un chemin de libération intérieure. Ce chemin commence par la vision du Christ ressuscité et s’achève par la venue du Monde nouveau, la Jérusalem nouvelle qui descend du Ciel. Il passe par la médiation maternelle de l’Eglise, la Femme, où l’Homme prisonnier du péché est ré-enfanté par la grâce à l’image du Premier né d’entre les morts, après avoir été re-façonné dans son sein.
L’itinéraire du Livre de l’Apocalypse nous montre sous une forme imagée, inspirée des nombreux textes bibliques de l’ancienne alliance, le travail de la grâce à l’œuvre dans l’âme afin qu’elle entre dans la création nouvelle. Ce travail s’effectue par une purification et une illumination progressive jusqu’à parvenir à l’union avec Dieu en dévoilant peu à peu les résistances de l’âme, ses peurs, ses limites, ses liens, ses ténèbres, ses compromissions avec l’adversaire, ses refus et va jusqu’à débusquer les oppositions dues au péché et à Satan.
la Croix, porche royal : les profondeurs du Coeur de Jésus
La porte d’entrée de ce chemin, plus précisément le porche royal, sera la Croix de Jésus elle-même. L’évangile de saint Jean s’est achevé au Golgotha, mises à part les différents apparitions du Ressuscité, avec cette parole que l’auteur reprend du prophète Zacharie : ‘Ils contempleront celui qu’ils ont transpercé’ (Jn. 19, 37). Le Livre de l’Apocalypse s’ouvre sur la même parole : ‘Le voici qui vient, escorté des nuées ; chacun le verra, même ceux qui l’ont transpercé, et sur lui se lamenteront toutes les races de la terre. Oui Amen !’ (Ap. 1, 7). Nous sommes invités à entrer dans les profondeurs insondables du Cœur transpercé de Jésus pour y goûter la puissance enivrante de son Amour et y boire à long traits les fleuves d’eau vive qui en jaillissent pour tous ceux qui ont soif : ‘L’Esprit et l’Epouse disent : "Viens !" Que celui qui entend dise : "Viens !" Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement’ (Ap. 22, 17).