En pleine révolution soixante-huit, une clairevoyance papale...prophétique!
Notre message se compose de deux paroles ; La première est : nécessité. Oui, nécessité, c'est le mot, parce que l'économie du salut, pour se réaliser, a besoin de personnes qui consacrent leur vie au développement de son dessein : cette nécessité vient de la pensée de Dieu, qui veut que le Christ soit l'unique source de salut et de sainteté, et qui veut que soit perpétuée et diffusée Sa Mission par des hommes choisis, participant au sacerdoce du Christ, comme des ministres indispensables de la Parole et de la Grâce parmi les autres hommes. Le ministère ecclésiastique est une institution divine, comme le rappelle de Concile (Costit. " La cinquième journée mondiale de prière pour les vocations réclame de nous un message pour sa prochaine célébration. Lumen gentium , n. 28); et s'il vient à manquer, c'est le dessein divin du salut qui en souffre et qui arrête son cours dans le fil de l'humanité.
Dans ce cinquième texte sur le sujet, le Pape Paul VI reprend les thèmes de son quatrième message en introduction, insistant sur ce qui en faisait le coeur : la nécessité des vocations sacerdotales, développant cette fois-ci avec une théologie précise et éclairante les rapports entre sacerdoce royal des fidèles et sacerdoce ministériel. Dans le contexte des années soixante-huit, ses explications, relues avec le recul d'aujourd'hui, montrent une clairevoyance...qui sera confirmée par ses successeurs, en particulier par le futur Benoît XVI, lors de sa célèbre conférence, les mouvements d'Eglise et leur lieu théologique. ( 1998)
Le pape Paul VI souligne le déséquilibre s'opérant à l'époque qui déforme le sens du sacerdoce commun et diminue l'importance du sacerdoce ministériel.
Mais pour donner la priorité ainsi aux vocations sacerdotales, il faut bien comprendre en quel sens. C'est toute la richesse des explications de ce texte trop peu exploité en pastorale vocationnelle.
Le même constat que dans le quatrième message. Explications théologiques : Eglise apostolique et catholique.
Paul VI appuie la nécessité du sacerdoce ministériel sur le credo : "Je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique". La fonction apostolique est étroitement liée à la fonction d'évangélisation, afin que ce soit la foi fondée sur les apôtres qui soit transmise, et non pas des inventions humaines variées. L'institution apostolique vient du Christ, le sacerdoce est la garantie de l'apostolicité de la foi.
Equilibre théologique vital : explication sur le sacerdoce commun et ministériel.
"C'est une chance que nous devons au Concile que cet accent mis sur le sacerdoce royal des fidèles, mais ce serait un malheur pour la sainte Eglise que cette mise en valeur utile et nécessaire du sacerdoce commun à tout le¨Peuple de Dieu se fasse au détriment du sacerdoce ministériel et hiérarchique, par lequel le sacerdoce commun est formé et dirigé. ( Cf Lumen Gentium, N° 10). Nous dirons même que d'autant plus on valorise le sacerdoce commun, d'autant plus il a besoin du ministère du sacerdoce hiérarchique, et d'autant plus la fonction confiée à ce dernier montre sa nécessité irremplaçable."
L'Eglise n'est pas fondée sur des phénomènes charismatiques ou sur des mouvements charismatiques...
L' Eglise a besoin de ministres, de vocations. La destinée de l'Eglise, et donc du salut chrétien du monde, ne peut se considérer comme fondée sur des phénomènes ou de mouvements charismatiques, qui ont besoin eux-mêmes du ministère et de l'aide du sacerdoce hiérarchique; mais sur des personnes vouées et consacrées, investies de caractère potestatif ( des pleins pouvoirs), qui vivent et perpétuent en elles-mêmes le sacrifice du Christ, et qui, en vertu du sacrement de l'Ordre, en renouvelle le sacrifice non-sanglant. Et ces exigences résultent également de la condition spirituelle du monde moderne : plus il tend à se séculariser et à perdre le sens du sacré et la conscience du rapport religieux impossible à éradiquer entre Dieu et l'homme, plus est grande la nécessité qui en résulte d'une présence qualifiée, spécialisée, consacrée, au milieu du monde profane, de " dispensateurs du mystère de Dieu" ( 1 cor, 4, 1). Et comment donc devons-nous affermir en vue de ce combat croissant que l'Eglise va assumant au service de l'humanité, si ni la force, ni la droiture, ne sont assurées au long du chemin, sans prêtres capables de contemplation autant que d'action, et investis de la vertu sanctifiante et de l'autorité pastorale propre au ministère sacerdotal ?
Nécessité dérivant du plan de Dieu, liberté humaine totale en réponse.
"Nécessité. Qu'adviennent à l'Eglise de nouveaux, nombreux et bons ministres; que viennent des vocations. Et alors voici notre deuxième parole : liberté.
La nécessité, dérivant du plan divin, se trouve confrontée à la liberté sur le plan humain. Parce que par liberté nous voulons dire l'offrande totale personnelle et volontaire à la cause du Christ et de son Eglise. La réponse est à la mesure de l'appel. Il ne peut y avoir de vocations qui ne soient libres, si elles ne sont l'offrande spontanées de soi, consciemment, généreusement, totalement.
Paul VI nous donne là un critère de discernement majeur pour les vocations : cette liberté qui vient de l'appel de Dieu et non pas d'une main mise humaine. La réponse est à la mesure de l'appel, à la mesure du lien vital profond avec l'appel du Seigneur.
Les mêmes critères s'appliquent à toutes les vocations.
Ce que nous disons s'aplique autant aux vocations au sacerdoce ministériel qu'aux vocations religieuses, dont l'Eglise a immensément besoin; et cela vaut pour les vocations masculines, comme pour les vocations féminines; celles-ci étant non moins importantes, appréciées et désirées par la Sainte Eglise.
Paul VI ayant dit l'importance du sacerdoce que l'on peut estimer comme une " vocation-source" branchée sur le Christ, il en vient tout naturellement à toutes les autres vocations et à leur importance, le phénomène vocationnel étant "organique" : dans le corps ecclésial, tout se tient.
Offrande, disons-nous : c'est là le vrai problème. Comment l'Eglise aura-t-elle encore aujourd'hui l'offrande de jeunes vies se consacrant à son service ? Le monde de la religion n'a plus l'attrait suggestif d'une époque, dans certains milieux c'est un monde discrédité par l'athéisme officiel de masse, ou l'hédonisme devenu idéal de vie; c'est un monde sans perspectives économiques, sans gloire; c'est un monde rendu quasi incompréhensible à la psychologie des jeunes générations.
Et pourtant l'Eglise, de par cette nécessité intrinsèque, attend, demande, appelle. Elle appelle les jeunes spécialement parce que l'eglise sait que les jeunes ont encore une bonne oreille pour entendre Sa Voix. c'est la voix qui invite à des choses difficiles, héroïques, et vraies. C'est la voix qui implore compréhension et aide pour les besoins sans nombre des frères privés d'entendre parler de Dieu en Christ, ces frères méprisés, souffrants, pauvres, ces frères aussi lancés dans la grande mais équivoque conquête scientifique, technique, économique, sociale, politique du monde temporel...et qui manquent de réconfort, de lumière, d'idéal, de transfiguration. C'est la voix humble et pénétrante du Christ qui dit, aujourd'hui comme hier : Viens.
La liberté à son sommet.
La liberté est alors à son sommet : celui de l'oblation, de la générosité, du sacrifice. Nous pensons qu'aujourd'hui il y a des âmes fortes, capables " d'entendre de que l'Esprit dit à l'Eglise" ( cf Apoc 2, 7) et notre message s'adresse spécialement à elles. Mais pas seulement à elles : aux familles chrétiennes, pour lesquelles c'est un sacrifice, oui, mais si méritoire, l'honneur de participer à l'offrande d'un de leurs fils, d'une de leurs filles, à l'Eglise, au Christ. Notre message va aussi aux pasteurs d'âmes, aux éducateurs, pour qu'ils sachent découvrir, susciter, guider les vocations naissantes dans les jeunes coeurs. Et aux personnes déjà mûres dans la vie et songeant à la réalité suprême : les vocations adultes sont aujourd'hui une espérance nouvelle pour l'Eglise qui en comprend la valeur, en apprécie la psychologie et le soutien.
Les vocations : l'affaire de toute la communauté chrétienne.
Enfin à tout le Peuple de Dieu nous demandons de réfléchir sur le grand problème des vocations, faisant nôtre la demande du Concile qui dit : " Le devoir de faire croître les vocations...revient à toute la communauté chrétienne". Pour cela nous demandons cette entraide spirituelle et morale qu'offre une ambiance sociale favorable à l'épanouissement des vocations et qui est donnée " avant tout par une vie pleinement chrétienne" avec " une fervente prière" ( (Decr. Optatam totius , n. 2)
A ceux qui écoutent notre message, notre Bénédiction Apostolique.
Dal Vaticano, 19 aprile 1968.
PAULUS PP. VI