" Il faut entrer par la porte de la vocation" Monsieur Olier, fondateur de Saint Sulpice et la bienheureuse Agnès de Langeac, fêtée le 19 octobre.Monsieur Olier, fondateur de la Compagnie de prêtres de Saint Sulpice avait déjà à son époque pensé la vocation des prêtres en termes de vie intérieure. Voici un résumé de quelques uns de ses principes fondateurs. Il faut entrer par la porte de la vocationQuelques années après l’établissement du séminaire sur la paroisse parisienne dont il était devenu le curé en 1642, dans une note autographe intitulée " Dessein de la maison de Saint-Sulpice", Jean-Jacques Olier en rattache la fondation à " l’intention de la Sainte Eglise dans les conciles" : pour la " réforme des peuples par la sanctification du clergé." L’Eglise a désiré alors qu’il y eût des séminaires dans chaque diocèse. Travailler au renouvellement spirituel de toute l’Eglise en se consacrant en priorité à la formation de saints prêtres, telle fut la mission du fondateur de Saint Sulpice. Le vertige des clercs mondainsPour comprendre la genèse de cette intuition fondamentale de Jean-Jacques Olier, il faut se souvenir que s’il posait un diagnostic révélateur sur la situation ecclésiale contemporaine, c’est à partir de son cheminement de conversion personnelle et de sa rencontre avec Mère Agnès de Jésus. Après de brillantes études, il se sentit lui-même emporté par le " vertige des clers mondains" de son époque : " Ma mère ne m’a jamais pu aimer dans le temps qu’elle a vu que je marchais dans la grandeur et l’applaudissement du monde, comme par exemple que j’avais du train, que je prêchais avec gentillesse, que je ne disais rien contre les moeurs du monde.." Au cours d’un séjour à Rome, une grave infection oculaire lui interdit tout travail. Les médecins le disent condamné et il risque d’être emporté par la fièvre, mais un pélerinage à Notre Dame de Lorette le guérit : " Je fus guéri si soudainement que le médecin étant ensuite venu me visiter me trouva le pouls si remis qu’il crut que j’étais arrivé en carosse. Outre que je reçus la guérison de mes yeux et que depuis je n’ai pas eu sujet d’appréhender pour la vue, je reçus alors un grand désir de prière, ce fut le coup le plus puissant de ma conversion." La prise de conscience de Lorette l’entraîne à changer ses habitudes. Il prend pour directeur de conscience le futur Saint Vincent de Paul. Mais le chemin de conversion ne faisait que commencer. Le chemin de l’intériorité : la rencontre avec Mère AgnèsEn cette année 1631, la prieure du couvent des Dominicaines de Langeac ( dans le diocèse du Puy où l’abbé Olier avait une commende et une abbaye à Pibrac) Mère Agnès de Jésus reçoit une révélation de la Vierge Marie pendant son oraison : " Prie pour mon fils, l’abbé de Pébrac". Or, or bien que Langeac ne soit qu’à quelques lieux de Pébrac, Monsieur Olier et Mère Agnès ne s’étaient jamais rencontrés. De son côté, Olier avoue avoir bénéficié de deux visites en imagination de mère Agnès : " je vis un jour cette sainte âme venir à moi, avec une grande majesté. Elle tenait d’une main un crucifix et un chapelet de l’autre. Me montrant un visage pénéitent et affligé, elle me dit ces paroles : Je pleure pour toi, ce qui me donna beaucoup au coeur et me rempli d’une douce tristesse(…), je crus sur l’heure que c’était la sainte Vierge, à cause de la sainte gravité et de la douce majesté avec lesquelles elle m’apparut." Epreuves et dépouillement, vers la pacificationDans les années qui suivent, Olier s’approfondit et passe par des épreuves et des dépouillements, ainsi que par de riches rencontres. Il décline des offres d’épiscopat et plonge dans une vie de prédications, d’apostolat, de missions, mais aussi de mortifications excessives. En 1639, les symptômes de la dépression accompagnée d’une intense purification intérieure se manifestent. Acédie, nuit spirituelle, dégoût de tout jusque dans la prière. Il ne lâche pas le bien des âmes et lutte pied à pied comme Jacob contre l’Ange…En 1641, il sort de cette épreuve pacifié et entre dans l’abandon à l’Esprit, vérifié expérimentalement. Il dira avoir lutté jusqu’à l’extrême contre " la superbe" et le désir de paraître qui demeuraient en lui, mais aussi avoir appris que " par ses propres forces" il ne pouvait rien. C’est à ce moment que son véritable maître et inspirateur, ainsi que son meilleur conseiller et ami, le père de Condren, meurt, en laissant entendre que la mission la plus urgente était la création de séminaires. Le père de Condren était de second général de l’Oratoire, les Oratoriens ayant été fondés par le Cardinal de Bérulle. Condren avait essayé au sein de l’oratoire de fonder des séminaires. Or, pratiquement toutes les tentatives de de création avaient échoué. Une mission d’oratoriens, dont Olier fait partie essaye vainement une expérience de séminaire à Chartres en 1641. Expérience sans lendemain ? Pas tout-à-fait, car c’est à la suite de cette mission, au cours d’une retraite personnelle, dans la nuit du 5 au 6 décembre 1641, qu’Olier reçoit la certitude spirituelle qu’il est temps de franchir le pas. Avec deux autres prêtres, il décide de fonder une " communauté de clercs" Assez vite, d’autres prêtres désirent se joindre à eux. On leur propose des maisons…c’est alors que providentiellement Olier est nommé curé de la paroisse de Saint Sulpice à Paris. La mission du séminaireOlier sait donc d’expérience les méfaits de la " commende" : nombreux sont les fils que l’on pousse dans la cléricature pour leur assurer une carrière d’Eglise et leur assurer des "bénéfices ecclésiastiques". Un prêtre oratorien de l’époque, l’abbé Amelote déplore la situation contemporaine : " ce n’est plus le Saint Esprit, ni l’Eglise qui choisissent la plupart des prêtres, c’est la précipitation, la décharge, le repose, le bénéfice qui les attire". Il était urgent de réagir. Dès son arrivée à saint Sulpice, Olier ne mâche pas ses mots en prêchant à un parterre de riches parents parisiens de l’époque : " Voyez donc, pères et mères, à présenter à Dieu des enfants dignes de sa grandeur…prenez bien garde de les pousser dedans l’Eglise pour aucun intérêt…pour les pousser dedans les biens, pour les faire entrer dans les honneurs et les mettre à leur aise. Vous ne leur proposez point le service de Dieu mais votre avancement, mais votre plaisir"… Puis il propose autre chose : " Les prêtres doivent être choisis, élus, enlevés du milieu des hommes par la voix de Dieu et non pas par le choix des personnes qui s’élisent elles-mêmes et s’introduisent dans la maison de Dieu. Dans le ministère apostolique, il faut " entrer par la porte de la vocation"." Concrètement, Olier applique ce principe aux séminaires, auxquels il revient d’appliquer le discernement indispensable. Dans une note, il indique clairement l’esprit de ce discernement : " Il est juste que dans l’Eglise de Dieu, il y ait des maisons où l’on éprouve les esprits et les moeurs des personnes que l’on désire donner à Dieu et qu’il se veut lui-même appliquer en sa maison pour le servir."Puis Olier fait part de sa conviction de foi quant aux signes grâce auxquels Dieu lui-même permet de reconnaître autant que faire se peut ceux qu’Il appelle au ministère : " On ne peut s’assurer ou prendre indice de ses desseins dessus les âmes que par les moeurs et les esprits de ces mêmes sujets, desquels on ne peut avoir expérience qu’avec le temps, où l’on découvre la semence de l’Esprit de Dieu et la constitution de leur âme, que Dieu a coutume d’avantager de quelques dons et grâces particulières pour être dignes d’une approche particulière de sa personne". Des intuitions fondatricesDans les séminaires fondés par Olier, des intuitions et des choix dès le départ vont leur donner pérénnité et fécondité. Contrairement aux autres tentatives de l’époque qui mélengent les enfants et les jeunes adultes, Olier choisit de ne prendre que de jeunes adultes de 20 à 35 ans. Il offre une vie familiale, qui se démarque du modèle " disciplinaire " de l’époque avec la masse des "étudiants" d’un côté et le corps enseignants. C’est grâce au contact quotidien avec leurs aînés que les jeunes adultes sont appelés à discerner leur vocation cléricale et à en assumer librement les exigences. Les distances entre maîtres et disciples sont supprimées, l’éducation devenant le fruit d’une complète communauté de vie entre les uns et les autres. Tout en maintenant l’autonomie du séminaire par rapport à la paroisse de Saint Sulpice dont il est curé, Olier met à profit la proximité des deux lieux pour " envoyer les séminaristes à la paroisse" Plus fondamentale encore est l’idée permanente de " sanctification du clergé" qui revient dans les écrits de Monsieur Olier. En 1642, il note dans son Journal : " Dieu soit sanctifié dans les âmes et que sa sainteté soit propagée dans le coeur des peuples par les prêtres…si eux-mêmes tous les premiers, ne sont ni saints et sanctifiant les autres, s’ils ne sont eux-mêmes les plus proches de Dieu ?" Et ailleurs, il écrit : " Quand il ne se trouverait que trois hommes Apostoliques dedans un séminaire, remplis d’humilité, de douceur, de patience, de zèle, de charité, de pureté, avec le savoir et la sagesse nécessaire à ce divin emploi ; ils suffiraient à la sanctification de tout un diocèse." Ministère apostolique des évêques et des prêtres : la sanctification de toutes les âmesOlier a puisé ses perspectives ecclésiologiques dans la pensée des Pères de l’Eglises, dont il fut nourri et à laquelle il se réfère volontiers, en particulier les Pères grecs et, entre les Latins, Saint Augustin. A la manière de ce dernier, il aime à parler du Christ entier, c’est-à-dire Jésus Christ et ses membres, Notre Seigneur avec son Eglise. Et dans celle-ci, qu’il appelle " la société des âmes remplies d’un même intérieur que Jésus-Christ". Olier envisage donc l’épiscopat comme la plénitude du sacrement de l’ordre, et selon lui dans chaque Eglise diocésaine, la sanctification de toutes les âmes découle, comme de sa " source" de la "grâce hiérarchique" de l’évêque par les canaux que son les membres de son clergé. Olier écrit dans ses notes autographes ( Ms 20, 102, ter) :" Le saint prélat, qui est le chef unique du séminaire, contient en soi la plénitude de la grâce de tout son peuple et son clergé, de même que Notre seigneur Jésus Christ contient en soi la grâce universelle de toute son Eglise." Aussi Olier voit-il dans les ministres de la direction des séminaires les représentants de l’évêque, associés à son divin emploi de porter la grâce de l’Esprit et la sanctification parfaite dans le clergé de son diocèse. Ils invoqueront sur eux l’Esprit ApostoliqueDu temps d’Ollier, les évêques seront nombreux à demander des séminaires : Lodève, Rodez, Nantes, Le Puy en Velay ( en 1652)…Dans notre diocèse du Puy, les bâtiments du séminaire Saint Georges nous rappellent l’importance de prier pour les vocations de prêtres en cette année sacerdotale. Du séminaire du Puy sont partis d’innombrables prêtres missionnaires, en particulier vers la Chine et toute l’Asie. Monsieur Olier n’avait-il pas laissé cette belle consigne : " Ils invoqueront sur eux l’Esprit Apostolique". Sa fécondité s'est aussi déployée vers le Canada, grâce à son extraordinaire dévotion envers la Sainte Famille et Saint Joseph, par la fondation du Séminaire de Saint Sulpice à Ville-Marie qui deviendra Montréal et le soutien apporté à la future sainte Marguerite Bourgeoys par les Sulpiciens. Mère Agnès de Langeac, quant à elle, a été béatifiée par Jean-Paul II en 1994 et est fêtée le 19 octobre. Les événements historiques cités dans cet article le sont d'après d’après le livre de Philippe Molac, Histoire d’un dynamisme apostolique, la Compagnie des prêtres de Saint Sulpice, éditions du Cerf, 2008 Samedi 27 Février 2010
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