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5) Bilan de la période 1820-1870. De fortes personnalités vont permettre de séparer l'action catholique sociale de l'affiliation à un parti, faisant de l'action sociale le résultat d'une prise de conscience personnelle et chrétienne. Ce n'est plus la "ligne d'un parti" qui mène l'action mais...la Doctrine sociale de l'Eglise, comme ferment plus profond et durable.
Une action sociale se diffusant par osmose et par relations.
On peut noter que Montalembert , qui occupe une place à part parmi les catholiques sociaux, est intervenu vigoureusement pour faire passer la loi de mars 1841 relative au travail des femmes et des enfants dans les manufactures.
Armand de Melun, dont nous avons détaillé l''action dans notre article précédent , et Denis Benoist d''Azy, futur beau-père d''Augustin Cochin, tous trois députés, feront passer plusieurs lois en 1850 sur les logements insalubres ( avril), les sociétés de secours mutuels ( juillet), les caisses de retraites ( juin), et proposeront une loi relative aux contrats d'apprentissage en février 51, le tout après avoir travaillé la société sur ses sujets pendant des années et après avoir agi dans les salons mondains, dans les associations de bienfaisance, mais aussi auprès des parlementaires, des députés et des instances politiques de l''époque. Leurs écrits, leurs discours, leurs relations de personnes à personnes ont progressivement éveillé l''opinion politique et sociale, même si on peut constater qu''il s''agit d''un même cercle relativement ouvert sur d''autres mais ne touchant pas ce qu''on appelerait plus tard l''ensemble de l''opinion publique, tous milieux confondus.
4) Actions en direction de l'entreprise et de l'état, Armand de Melun.
Un patronat fermé...
Les actions des catholiques sociaux en direction de l'entreprise sont à cette période extrêmement difficile car le patronat se refuse à envisager l'existence d'organisations ouvrières " adultes", avec lesquelles il devrait engager un dialogue, un partenariat social.
Aussi, un Augustin Cochin , ami de Le Play et d'Armand de Melun , se distinguera-t-il comme une exception, car étant administrateur de la Compagnie du Chemin de Fer d'Orléans, il obtiendra d'un conseil administratif pourtant peu favorable des mesures telles que l'organisation d'un service médical, la fermeture dominicale des bureaux et chantiers, le développement de la société de secours mutuel et de prévoyance.
Il est certain qu'à titre personnel et dans la discrétion, car ce n'était pas " bien vu", des patrons chrétiens se sont montrés humains et soucieux de leur personnel. Par exemple, Paul Benoist d'Azy, aux forges d'Alais, crée en 1848 des instituts de protection pour les ouvriers.
A cette époque, le catholicisme social est incarné par une figure majeure : Armand de Melun, lequel va faire passer le premier train de réformes sociales indispensables.
...et ceux qui font bouger les choses : Armand de Melun ( d'après la thèse de Duroselle)
3) La période des pionniers de 1820 à 1870.
Caractère général de la période : vers l'incarnation du spirituel dans le temporel...
Dans cette période initiale, l'action en direction de l'entreprise et en direction de l'état sera faible, pour les raisons que nous avons indiquée dans notre introduction : globalement, les dirigeants politiques et économiques sont hostiles à des changements de l'ordre établi, la hiérarchie catholique est, dans notre pays, plus axée sur l'étape première du spirituel que de son incarnation dans le temporel. Il faudra l'action des catholiques sensibilisés, laïcs pour la plupart, pour passer à l'étape suivante. Mais ces catholiques ont encore à structurer leur pensée pour pouvoir étendre leur influence.
Ces catholiques agissants se rattachent soit à un courant démocrate, soit à un courant monarchiste légitimiste, comme nous l'avons vu dans la deuxième partie de notre exposé. Il y a bien également un courant " socialiste chrétien", influencé par la pensée de Fourier et Saint Simon : il croit peu à l'action pratique, ponctuelle sur le terrain, pense que le capitalisme n'est pas réformable et ses convictions chrétiennes se dissoudront dans son option socialiste. Néanmoins, cette branche aura de nombreux avatars sous forme de communautés utopistes, d'inspiration plus ou moins chrétienne et influencées par la grande vague utopiste de la deuxième partie du 20eme siècle.
Les actions catholiques en direction des ouvriers et de leurs familles.
2) Les lignes directrices de l'action des catholiques sociaux.
Les grandes périodes étudiées.
Dans ce deuxième volet de notre réflexion sur l'action des catholiques sociaux en France, notre attention va se porter sur l'action en elle-même.
Pour la commodité de l'exposé, nous distinguerons deux grandes périodes, celle des pionniers ( 1820-1870), et celle d'une véritable maturité ( 1870-1940), avant d'esquisser quelques hypothèses concernant la période de l'après-guerre ( 1945 à nos jours).
La Doctrine sociale, c'est l'application de l'Evangile à la société. Cette application a une histoire. Dans cette rubrique, nous retraçons cette histoire en regardant le travail accompli par les catholiques pour et dans la société française.
Le vocable.
Le terme de catholicisme social semble être utilisé dès le début des années 1890, du moins pour ce qui concerne la France. L'expression existe depuis 1843 mais, à l'époque, elle est très peu usitée et tombe en désuétude pendant plus de 30 ans. Le terme reprendra vigueur au moment de l'encyclique Rerum Novarum ( Léon XIII, 1891).
Le courant de pensée.
6) La solidarité : face à la mondialisation des problèmes, la mondialisation de la solidarité.
Vers une mondialisation de la Solidarité.
Ceci dit, parlons maintenant de la nécessaire solidarité. Jean-Paul II nous met en garde contre une contrefaçon de la solidarité, qui serait réduite à un attendrissement superficiel, à un vague sentiment de compassion, pour les maux subis par des personnes proches ou lointaines. Benoît XVI prépare cette" mondialisation de la solidarité" expression qu’il a employée pour décrire le but de Caritas in Veritate.
Tous avec tous, tous pour tous ( JPII)
Bien Commun, emploi et assistanat : l'assistanat tue le bien commun...
Pendant les évènements liés au vote du fameux CPE, on a pu lire cette déclaration d’une étudiante : « Les jeunes ont des droits pour les quels nos parents se sont battus. L’emploi est dû. »
La question posée est effectivement capitale et la réponse ne peut être oui ou non sans explications ni commentaires. Comme toujours, il faut afficher clairement la conception que l’on a de la personne humaine et de ses rapports avec la communauté. Pour nous, chrétiens de l’Eglise catholique, la personne faite à l’image de Dieu, « équipée » par Lui d’une intelligence et d’une volonté, qui permettent le libre choix de ses décisions, le libre arbitre, comme disent les philosophes, a reçu mission d’aménager la Création pour la mettre au service de la communauté humaine. Cette activité, spécifiquement humaine, s’appelle le travail et elle n’est devenue pénible, nécessaire pour subsister, qu’à la suite du péché originel.
Cette activité est donc un droit de la personne, en raison de sa nature voulue par Dieu. Mais c’est également un devoir, car tous doivent contribuer au bien commun. Cette activité est un bien pour l’homme, certes exigeant, difficile, parfois très dur, mais qui permet à celui-ci de se découvrir, de développer ses facultés et de grandir dans la sainteté. Le Christ, lui-même, nous a donné l’exemple en travaillant avec Joseph, menuisier-charpentier, de douze ans à trente ans.
De ce fait, toute civilisation doit offrir du travail et non une assistance économique, qui fait perdre à la personne sa dignité et sa légitime autonomie.
5) L'Amour au secours de la Justice : quand le malheur frappe les sociétés sous forme de cataclysmes divers, la Justice sociale ne suffit pas car il faut venir aussi au secours de ceux qui n'ont pas servi le bien commun...l'amour seul peut alors assurer la cohésion d'une société.
L’amour au secours de la justice
Vous aurez remarqué que nous avons parlé à plusieurs reprises du bien commun et de responsables du bien commun dans cette rubrique. Vous avez bien saisi que ce bien commun, c’est ce qui fait à chaque niveau, qu’une communauté, famille, école, entreprise, association, hôpital, répond bien à ce qu’on est en droit d’attendre d’elle et, parallèlement, contribue à sa mesure à répondre aux besoins des hommes qui la composent ou sont en relation directe avec elle, besoins allant du matériel au spirituel. Nous reviendrons sur ces notions de bien commun, de responsabilité dans son élaboration et sa pérennité.
Est-ce que la Justice suffit pour que tout se passe bien ?
4) La Justice sociale implique de laisser libre accès aux biens supérieurs aussi, en particulier au bien qu'est l'ouverture sur la transcendance, la liberté religieuse.
Tout se tient quand on parle de Justice.
Les papes depuis St Pie X et plus encore Pie XI, aiment à parler de justice sociale. Pour eux, la justice sociale combine les dispositions de la justice légale et de la justice distributive, tout en mettant comme préalable le respect de la justice commutative c’est-à-dire le caractère équitable des échanges, contrats et promesses. Comme le dit Mgr Guerry dans son ouvrage sur la doctrine sociale de l’Eglise (Mgr Emile Guerry,La Doctrine sociale de l’Église : son actualité, ses dimensions, son rayonnement, lettre pastorale au clergé et aux militants de son diocèse, Paris, Bonne Presse, 1957.), « La justice sociale élargit et dépasse la justice légale. Elle concerne les rapports des citoyens envers le bien commun, soit dans leurs devoirs, soit dans leurs droits. D’une part, elle tend à faire respecter les droits naturels des membres de la communauté pour que ceux-ci soient en mesure d’accomplir leurs devoirs sociaux. D’autre part, elle incline les citoyens à rendre à la société ce qu’ils lui doivent afin que celle-ci soit en mesure de remplir sa mission envers le bien commun. »
Mais attention de ne pas réduire le Bien commun aux richesses matérielles.
Il est clair que le terme de justice sociale est d’autant plus utilisée par les papes, qu’il prend en compte le domaine de l’économie et donc le principe de la destination universelle des biens. La prospérité d’une société est certes liée à la taille du gâteau, mais le gâteau est fait pour permettre à tous les citoyens de vivre décemment et d’épanouir leur personne, ce qui implique une juste répartition des biens et des richesses. Mais attention à ne pas réduire le bien commun aux richesses matérielles. Nous l’avons bien précisé, les biens immatériels, spirituels, sont le plus essentiels. Il ne faut jamais confondre l’essentiel et l’indispensable.
L'injustice suprême, nier la transcendance.
Primum vivere, d’abord vivre, disaient les anciens, et nous avons bien dit que le droit à la vie biologique était premier en ce sens qu’il ouvre la porte aux autres, c’est le domaine de l’indispensable. Mais la vie biologique n’est pas l’essentiel, puisque l’homme est destiné à la vie éternelle. C’est pourquoi le droit à la liberté religieuse est un droit essentiel. Nier la transcendance, dira Jean-Paul II, c’est réduire l’homme à devenir un instrument de domination, assujetti à l’égoïsme d’autres hommes ou à la toute puissance de l’Etat totalitaire. Les responsables, à quelque niveau que ce soit du bien commun de la cellule de société, sont ils ont la responsabilité, doivent s’efforcer de « tenir les deux bouts de la chaîne », assurer l’indispensable tout en préservant l’essentiel. Permettre aux hommes d’exister et parallèlement de parvenir au bonheur éternel.
3) La Justice sociale et l'assistanat.
Equilibre entre justice distributive et assistanat ?
Et là, deux facteurs vont être pris en considération, la contribution de chacun et ses besoins, non pas l’un ou l’autre mais l’un et l’autre. En effet, il serait injuste que la répartition ne tînt pas compte de la contribution de chacun à l’élaboration du bien commun, en économie on a coutume de dire à la croissance du gâteau. Mais les besoins primaires matériels de tous doivent être satisfaits. Même si quelqu’un contribue peu à la croissance du gâteau, il a besoin de pouvoir se loger, se vêtir, se nourrir décemment. Pour prendre un vocabulaire actuel, il ne doit pas y avoir d’exclus. Mais à contrario, il ne faut pas faire des personnes des assistés permanents, qui quémandent sans arrêt sans offrir la moindre contribution au bien commun.
La tentation de l'intérêt personnel au détriment des autres.