Luc 12, 49-53
Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! 50 Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli ! 51 Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. 52 Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; 53 ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Ce nouvel épisode de l’enseignement de Jésus à ses disciples comporte deux messages d’un ton très différent l’un de l’autre. Le ton du premier est celui d’une confidence du Maître à ses disciples, à ses proches, en relation quotidienne avec Lui mais pas toujours conscients de ce qu’Il vit intérieurement dans l’exercice de sa mission. Le ton du second est celui du pédagogue qui commence par formuler une question avant de donner Lui-même la réponse, une réponse qui a dû secouer les disciples et qui nous secoue encore aujourd’hui.
La confidence est splendide, mais les disciples ne la comprendront que beaucoup plus tard : Jésus est impatient de vivre sa Passion et de mourir sur la Croix ! Ce baptême, auquel Il aspire de toutes ses forces, c’est celui du sang, celui du martyre. La veille de sa mort, le jeudi Saint, Il expliquera à ses disciples l’importance de la venue future de l’Esprit Saint qui allumera ce feu que Lui, Jésus, est venu apporter sur la terre. La Passion et la Croix, c’est le Salut du monde, et c’est bien pour cela qu’Il s’est incarné. Or, quand Il en parle ce jour-là, Il sait que l’heure n’en est pas encore venue et cela Lui pèse. Quelle leçon pour nous et comme nous avons du mal à comprendre, comme les apôtres en leur temps, que le salut passe par la Croix et que chacun d’entre nous, même s’il n’est pas capable de la désirer comme le Christ, doit être prêt à la porter.
Quant à la question, elle cache en quelque sorte un piège pour les esprits des apôtres. Car, bien sûr, d’une certaine manière, Jésus donne la paix. Il le dira explicitement à ses disciples le Jeudi Saint : " Je vous donne la paix, je vous donne ma paix. " Et là, paradoxalement, Il semble affirmer le contraire non seulement au niveau du monde mais même à celui de la famille. Je viens diviser les familles. Bigre ! Cela mérite explication, et notre époque a peut-être plus que jamais besoin de cette explication, tant il est patent que beaucoup de nos contemporains oublient qu’il ne faut jamais séparer l’Amour de la Vérité et qu’il ne faut pas confondre l’amour authentique avec l’affectif dominant, qui justement conduit à ne pas dire la Vérité, pour ne pas peiner, à ne pas éduquer les enfants pour ne pas les contraindre, à ne pas rappeler les exigences morales pour ne pas blesser ceux qui ne les respectent pas. Eh oui ! La Vérité est tranchante comme une épée, elle sépare au couteau le vrai du faux et cela fait mal. Mais c’est la Vérité, qui rend libre et qui permet de discerner le Bien, de détecter le Mal et donc de s’engager pour le Bien et de s’interdire le Mal.
Renoncer à la passion de la Vérité, occulter toutes les questions qui fâchent, adopter l’esprit du monde pour ne pas se faire d’ennemis, refuser l’affrontement avec le mensonge distillé par le Prince de ce monde, c’est tout simplement de la non-assistance à personne en danger et c’est le contraire de l’amour authentique. Et c’est justement dans la famille, le lieu priviligié par le Seigneur pour l’exercice de l’amour authentique, qu’il faut avec le plus de courage aborder les questions qui divisent notre société et sur lesquelles l’Eglise s’est prononcée sans ambiguïté, qu’elles touchent l’économie, la politique, la vie sexuelle, le divorce, l’avortement, etc…La paix véritable passe par le combat pour la Vérité.
P. Y. Bonnet