Cet évangile suit directement l'enseignement que donne le Christ à ses Apôtres sur la prière et notamment sur le Notre Père. Ce Notre Père est d'ailleurs mieux détaillé dans St Matthieu que dans Saint Luc. L'important, dans cette coïncidence, est de se rappeler que l'autorité des parents découle directement de la paternité divine: nous sommes parents en recevant cette autorité parentale directement du Père. Toute autorité, d'ailleurs, vient d'en Haut, du Père. C'est ce que Jésus a rappelé à Pilate au moment de sa Passion.
L'obéissance à un père est quelque chose qui grandit le fils et non pas qui l'humilie. Le Fils de Dieu reçoit tout du Père et le don du Père est total et nous disions jadis dans la Préface de la Trinité que "les Trois Personnes étaient égales en majesté" ce qui veut dire que l'obéissance d'un être libre est quelque chose qui ne le diminue pas. Voilà quelque chose qu'il est peut-être important de rappeler dans notre époque où l'obéissance est perçue comme quelque chose d'humiliant. Donc les relations parents/enfants ne sont pas de l'ordre du pouvoir mais de l'ordre du don, comme ce don total que le Père fait au Fils. Quand nous éduquons des enfants, nous devons être des "donneurs": l'autorité est un service. C'est un don qui doit répondre non pas à nos phantasmes, à nos désirs, mais aux besoins réels de l'enfant, pour qu'il devienne nôtre égal en autonomie, en maturité, en responsabilité, pour qu'il trouve un sens à son existence, qu'il entame un chemin de bonheur. Le Notre Père qui précède justement notre Evangile est une prière de demande. Vous savez que St Thomas d'Aquin, dans ses derniers jours, ne prêchait plus que sur le Nôtre Père.
La quatrième partie du Catéchisme de l'Eglise Catholique concerne la vertu théologale d'Espérance qui trouve toute son explication dans l'explication du Nôtre Père parce que la prière de demande est fondamentalement une prière d'espérance. L'évangile que nous venons de lire, qui suit le Nôtre Père, est tout à fait dans cette ligne: c'est une ligne d'espérance. Demander, c'est fondamentalement un acte d'espérance.
Cette prière d'espérance est directement connectée à la première béatitude;"Bienheureux les pauvres… "Un pauvre, c'est quelqu'un qui tend la main, c'est quelqu'un qui demande. Donc quand on est dans la prière de demande on est sur le chemin des béatitudes. Vous remarquerez que, dans les Béatitudes, presque tous les deuxièmes membres des Béatitudes sont au futur, sauf la première"Heureux vous les pauvres, le Royaume de Dieu est à vous" au présent. La prière de demande doit être réhabilitée parce qu'elle a été souvent dénigrée à tort ; elle est le signe, au contraire, de la vertu théologale d'Espérance, qui manque le plus dans notre monde actuel. Elle manque terriblement à un grand nombre de parents chrétiens qui ont la Foi, qui s'efforcent de pratiquer la Charité ; entre les deux il manque la jonction qui est la vertu théologale d'Espérance. Péguy disait que la petite fille Espérance tient d'une main la Foi et de l'autre la Charité; quand la vertu d'Espérance n'est pas au rendez-vous, la Foi s'affaiblit ainsi que la Charité. Ce dont les chrétiens doivent témoigner le plus aujourd'hui c'est de la vertu d'Espérance surtout auprès de nos enfants.
L'Espérance vient de la Foi parce qu'on ne peut espérer que quand on sait par la Foi et par la révélation que Dieu est Amour; car si Dieu n'est pas Amour l'Espérance ne peut pas être au rendez-vous. L'Espérance est faite pour le monde actuel qui meurt littéralement de désespoir (cf "la société dépressive" du P. Anatrella) avec une montée du suicide des jeunes, une montée de l'usage des drogues de toutes sortes qui aident à supporter les difficultés de la vie. Il faut que les parents chrétiens soient des phares d'espérance. L'espérance permet de demander tout à ce Dieu Amour qui nous a dit que c'était la seul solution:"sans moi, vous ne pouvez rien faire". Sans Dieu l'éducation de nos enfants est mission impossible. Avec Lui, tout est possible.
Père Y. Bonnet