Les précurseurs des allocations familiales.
En 1891, Léon Harmel instaure dans son usine de Val des Bois " le sursalaire familiale d'entreprise". Il s'agit d'une caisse familiale d'entreprise, gérée par une commission ouvrière. Léon Harmel était proche de Léon XIII, et avait emmené en pélerinage à Rome auprès du Pape plus de 10 000 ouvriers catholiques, l'année précédant la publication de Rerum Novarum. Son évolution de l'utopie d'une cité chrétienne vers l'action politique des catholiques sociaux lui permit d'expérimenter sur le terrain des caisses gérées par les ouvriers, et une sorte de " familiarisme" plutôt que le paternalisme de l'époque : il tenait surtout à ce que les ouvriers soient considérés par le patronat comme des interlocuteurs d'égal à égal. C'est pour cela qu'il leur remit la gestion des oeuvres sociales les concernant, les interessant à leur propre sort dans l'application concrète de la Doctrine sociale de l'Eglise.
De 1891 à 1918, d'autres entreprises vont donner des indemnités pour charges de famille. Ces entreprises sont dirigées par des catholiques et généralement situées dans les régions de Lyon, Grenoble, Saint Etienne, Clermond-Ferrand.
En 1916, le sursalaire familial professionnel des Fondeurs et mécaniciens de l'Isère est instauré à l'initiative d'Emile Romanet. Ce dernier développe l'idée du salaire juste, la nécessité de compléter le salaire en fonction des charges de familles est pour lui évidente. Il lance une vaste enquête sur le terrain pour déterminer les besoins des ouvriers puis met en application ce qui deviendra la caisse d'allocation familiale.
En 1918, c'est la création de la caisse de compensation sur une échelle plus large, en accord avec plusieurs patrons convaincus par Emile Romanet du bien fondé de son système et pour éviter d'un côté que certains patrons n'embauchent que des ouvriers sans enfants (!) et de l'autre côté pour devancer de justes revendications risquant de tourner à la grève..
Les caisses vont se développer sous l'impulsion de patrons catholiques ( Lorient, Nantes, Epernay, st Dizier, troyes, Roubaix, Tourcoing...)
Les jardins ouvriers.
En 1892, c'est l'oeuvre de distribution des terres aux ouvriers, de Félicie Hervieu.
1894 voit les jardins ouvriers de Montrueil-sur-mer ( abbé Fourray), en 1895 ceux du révérend père Volpette, SJ. Le développement de l'idée sera considérable et international.
le nord de la France garde plus la mémoire de ses jardins, devenus " jardins familiaux". Ils existent encore aujourd'hui, gérés par des associations, et s'intègrent dans le paysage rural ou citadin, portés aussi par le renouveau écologique.
Le Logement.
La création de cités s'étale de 1892 à 1908. En 1892, ce sont les cités st Louis et Saint Henri à Roubaix, suivront les cités de Val des Bois, la Madeleine, Valencienne, Orléans, lancées et montées par des laïcs catholiques, des abbés et des évêques. 1907 verra les coopératives d'habitation ouvrières lorraines de l'abbé Thouvenin, en 1908, ce seront des sociétés de crédits immobiliers constituées à l'initiative de catholiques sociaux. ( Pas de Calais, Normandie, dijon, Lyon, etc)
Les colonies de vacances.
Les protestants et les catholiques devancent le mouvement dès 1880. Il s'agit au départ de sortir des enfants anémiés ou malades de leur environnement.
A l'initiative de Lucie Faure ( fille de félix Faure), sous l'impulsion de catholiques sociaux, sous l'égide d'une Ligue Fraternelle des Enfants de France, ( non confessionnelle), naissent en 1902 les premières colonies à Malo les Bains, Jonzac, le Havre, etc...
Mlle Gahery crée l' Oeuvre du Grand Air. A cette même époque, de nombreux abbés et curés de paroisses créent des colonies de vacances.
Jardins d'enfants, l'aide aux mères, l'émancipation de la femme noire, le mouvement mutualiste, etc....
En 1902, Mlle Gahery lance ses premiers jardins d'enfants, puis en 1908 la formation des jardinières d'enfants. En 1930, Mde Lebrun crée une Ecole des Parents. De 1917 à 1939, l'action de mgr Thévenoud, des pères blancs et des religieuses, action en faveur de l'émancipation de la femme noire, aboutit malgré de grosses difficultés au décret Mandel. Ce décret stipulait que dans les colonies françaises, la femme noire ne pouvait être mariée contre son gré.
Ces initiatives diverses montrent un état d'esprit des catholiques sociaux, agissant sur le terrain de la famille et précurseurs déjà des grandes questions à venir.
Il faudrait bien sûr être bien plus exhaustif, et se livrer à un travail d'historien rendant aux catholiques la mémoire de leur participation à ce qui améliore aujourd'hui la vie sociale en France.
Les catholiques seront aussi très présents dans le mouvement mutualiste. cependant, c'est surtout dans le mouvement familial qu'ils vont agir avec des actions multiformes et pionnières.
Le rôle des catholiques fut considérable, que les actions soient ou non d'inspiration franchement catholique.
Exemples :
-1894 : la Famille Montpélliéraine.
-1898 : L'union des familles nombreuses de Levroux.
-1899 : Union des familles de Mesnil sur l'Estrée.
-1903 : Association du Moulin Vert à Paris.
-1916 : La plus grande Famille.
-1919 à 1923 : ( Isaac et Breton au gouvernement)
Création du Conseil supérieur de la Natalité
Médaille de la Famille Française
Journée nationale des Mères de Familles Nombreuses.
Réduction sur les chemins de fer, sur les impôts fonciers.
-1924 à 1938 : Actions spécialisées :
Fédérations des Familles Nombreuses ( 3eme et plus)
Union nationale catholique des chefs de Famille.
Ligue Ouvrière chrétienne.
En 1939, ces actions contribuent à la promulgation du " code de la famille" sous Daladier.
L'action familiale des catholiques sociaux reste à redécouvrir sous l'angle historique, et à rendre à la mémoire de ceux qui en héritent aujourd'hui. Histoire locale et familiale, elle est le tissu même de notre mémoire. Levain dans la pâte, l'action des catholiques sociaux dans le domaine de la famille se rattache à la Doctrine familiale et sociale de l'Eglise....et contribue à faire lever toute la pâte!
Père Yannik Bonnet.