Un patronat fermé...
Les actions des catholiques sociaux en direction de l'entreprise sont à cette période extrêmement difficile car le patronat se refuse à envisager l'existence d'organisations ouvrières " adultes", avec lesquelles il devrait engager un dialogue, un partenariat social.
Aussi, un Augustin Cochin , ami de Le Play et d'Armand de Melun , se distinguera-t-il comme une exception, car étant administrateur de la Compagnie du Chemin de Fer d'Orléans, il obtiendra d'un conseil administratif pourtant peu favorable des mesures telles que l'organisation d'un service médical, la fermeture dominicale des bureaux et chantiers, le développement de la société de secours mutuel et de prévoyance.
Il est certain qu'à titre personnel et dans la discrétion, car ce n'était pas " bien vu", des patrons chrétiens se sont montrés humains et soucieux de leur personnel. Par exemple, Paul Benoist d'Azy, aux forges d'Alais, crée en 1848 des instituts de protection pour les ouvriers.
A cette époque, le catholicisme social est incarné par une figure majeure : Armand de Melun, lequel va faire passer le premier train de réformes sociales indispensables.
...et ceux qui font bouger les choses : Armand de Melun ( d'après la thèse de Duroselle)
Armand de Melun et son frère jumeau Anatole naquirent le 24 septembre 1807 près de Château-Thierry. Son père lui communiqua des sentiments royalistes très vifs sans que ce choix soit pour lui un impératif absolu et en lui donnant une nette coloration démocratique
Il est prudent, réservé, modeste, et son influence s'exerce surtout par une débordante activité. Il consacra sa vie à soulager la misère, et quoiqu'il y eût dans ses idées des formules passablement irritantes pour les socialistes, il fut peu attaqué, sauf par le quotidien catholique ultramontain de Louis Veuillot, "L'univers".
Hésitations sur sa vocation
Il hésita longtemps sur sa vocation. Son frère Anatole, après avoir été reçu à l'École Polytechnique, était devenu officier d'artillerie. Armand se lia à partir de 1828 avec l'« abbé duc » de Rohan, qui, devenu archevêque de Besançon, lui obtînt une place de substitut dans sa ville ; il la refusa. Il s'essaya à la spéculation financière, voyagea, et surtout lut beaucoup. Il subît fortement l'influence de La Mennais, Lacordaire et Montalembert: " Mon instinct de liberté me portait vers cette école et cette glorieuse croisade, qui me semblait marquée d'un caractère de grandeur et de vérité".
Avant d'examiner les multiples formes de son action, étudions dans quelles circonstances lui vînt sa vocation sociale. Il nous renseigne assez copieusement à ce sujet dans ses Mémoires, écrits longtemps après les événements, et dans sa correspondance.
C'est par le monde parisien qu'il accéda au problème ouvrier. Grâce à Mme de Virieu, rencontrée dans un bal, il fut introduit dans divers salons.
Mme de Virieu lui fit connaître Mme Swetchine, femme du monde convertie qui mit les catholiques sociaux de l'époque en lien avec soeur Rosalie Rendu et qui exerça sur Armand de Melun une profonde influence.
« Bientôt, je pris la douce habitude de regarder sa maison comme la mienne et d'y passer à peu près toutes les soirées et souvent une partie de la matinée. »
« C'est... dans ce salon que se discutaient entre le P. Lacordaire, Montalembert et leurs disciples, les plans de bataille des catholiques pour la liberté, que M. de Falloux, avec les députés de la Droite, préparait la loi sur l'enseignement, que le baron de Gérando y parlait assistance publique et M. Bautain philosophie chrétienne. Ballanche, quand Mme Récamier était en voyage, y raisonnait palingénésie sociale, le baron d'Eckstein y exposait les preuves sur lesquelles il s'appuyait pour retrouver jusqu'au fond de l'Inde les traces du christianisme, pendant que Dom Guéranger, avec l'esprit et la physionomie d'un moine du Moyen-Age, venait y chercher la première pierre de la résurrection de Solesmes et expliquer ses premiers travaux et ses espérances en faveur de l'unité de la liturgie et de la prière. C'est là qu'en petit comité j'ai entendu l'abbé de Genoude lire ses premiers sermons en prophétisant le prochain retour des Bourbons et les heureux résultats du suffrage universel, et que plus tard Tocqueville redevenait chrétien, à la parole de cette femme en qui il trouvait, disait-il, la sainteté unie au génie. »
La rencontre personnelle de la pauvreté
Un jour, Mme Swetchine, lui parla de la Soeur Rosalie, Fille de la Charité. Installée dans une pauvre maison de la rue de l'Épée-de-Bois, elle exerçait la bienfaisance et jouissait d'une popularité certaine dans le quartier de la rue Mouffetard. Elle avait, nous l'avons vu, indiqué aux premiers conférenciers de Saint-Vincent-de-Paul des familles à secourir.
« Jusque-là, dît Melun , je n'avais jamais visité un pauvre, je ne connaissais que ceux qui m'avaient tendu la main dans la rue... Je m'en étais remis jusqu'ici à l'assistance publique et aux bureaux de bienfaisance du soin de les connaître et de les soulager... Dans la disposition d'esprit où j'étais cette vue de la soeur Rosalie au milieu de ces pauvres me frappa comme la révélation d'un monde inconnu qui m attirait. »
Mme Swetchine lui donna une lettre d'introduction. « La Soeur Rosalie me reçut aussi bien que si j'avais été un pauvre, mais elle était habituée à voir venir ces vocations d'apôtres... que la curiosité inspirait plutôt que la foi et qui ne résistaient pas à la vue assez peu attrayante de la misère. » Aussi lui donna-t-elle pour l'éprouver une liste de pauvres à visiter, ce qu'il fit, non sans timidité. « Je pris bientôt l'habitude de ces excursions et des conversations qui les précédaient et qui les suivaient, où j'apprenais si bien à discerner la véritable misère de son
masque. »
Décider de devenir un "homme charitable"
Cette rencontre située dans l'hiver 1837-1838 aboutit à une activité nouvelle, dans sa correspondance, le 10 juin 1838 de Melun annonce à Mme Letissier qu'il est entré dans le Comité de direction des « Amis de l'Enfance » où il a aidé à recueillir de nouveaux enfants.
« Si je pouvais... vous raconter dans quel abîme de misère nous avons été les chercher, quel avenir de souffrance et de vagabondage nous avons changé en une destinée heureuse et honnête, vous ne trouveriez jamais plus d'objections contre mes împortunités. »
Il lui annonce de « gigantesques » projet.: de quêtes et de loteries. Quelques jours après, le 26 juin, il écrit à Mme Swetchine que la soeur .Rosalie lui a prêté La Vie de Saint Vincent de Paul.
« J'ai reçu cet ouvrage comme une grâce qui doit me soutenir dans cette voie que votre amitié m'a ouverte cet hiver... Aussi ai-je bien résolu à l'avenir... de consacrer toute ma vie à faire à mes frères tout le bien qui sera en mon pouvoir, mettant à leur disposition tout ce que j'ai de force et de temps."
Désormais, sans exercer aucune profession, puisque ses revenus lui permettent de vivre, il sera, selon sa propre expression, un « homme charitable ».
Les annales et la société de charité
Pour réaliser ses vastes projets, Armand de Melun comprit très vite la nécessité d'une action collective passant par un organe de presse et un cercle de réflexion stratégique. Aussi créa-t-il les Annales de la Charité en 1845, et la « Société d'Économie charitable » en 1846.
Participation à la direction de nombreuses oeuvres et volonté de les coordonner
Armand de Melun, dès 1838 et 1839, nous l'avons vu, était entré dans les comités directeurs d'un certain nombre d'oeuvres charitables. Il leur imprima, ou essaya de leur imprimer un élan nouveau, et il y passa rarement sans modifier de façon sensible leurs statuts. L'idée de coordonner entre elles les initiatives lui vint très vite
Création d'un organe de liaison
"Pourquoi la charité ne se ferait-elle pas journaliste lorsque la presse est aujourd'hui le grand livre de l'époque, la grande voix du temps; et sur cette donnée je prépare déjà le travail, je divise les articles, j'écris en imagination tout ce qui s'occupe de bien chez tous les peuples de la terre ». Il parle de son projet à l'éditeur Poussielgue au cours de l'été 1844, qui le soutient.
Contenu des annales de la charité
Le premier numéro des Annales de la Charité, mensuelles, parut en janvier 1845. Le but de la revue est d'étudier les «immenses questions que soulève l'exercice de la charité ». Pour exercer celle-ci avec fruit la générosité ne suffit pas, il faut aussi connaître.
Le Conseil d'administration comprenait Barante, Falloux, de Lambel, le duc de Liancourt etc ... , il n'y avait pas exclusivement des catholiques ou des royalistes légitimistes même si ceux ci y étaient les plus nombreux
L'expérience prouva très vite qu'il fallait encore un gérant rémunéré. Ce fut Alexis Chevalier qui était un jeune écrivain ardemment légitimiste que recommandait Mme Swetchine. En 1846, il recevait une rémunération de 1800 francs par an.
Une volonté d'agir sur la société
L'introduction des Annales fut écrite par Barante qui présente donne au journal une perspective conservatrice « Nous n'attaquerons point la Société dans ses principes, dans les conditions inséparables de son existence; nous n'adresserons pas au travail et à l'indigence de vaines et dangereuses paroles. »
Mais pour Armand de Melun dans le premier numéro, et surtout Villeneuve- Bargemont dans le second, « L'État peut seul, dit Melun, atteindre l'ensemble des misères et améliorer d'une façon permanente et générale le sort de ceux qui souffrent ». Il faut qu'il « érige en justice générale ce qui n'était que charité partielle ». Villeneuve-Bargemont, veut démontrer comment les lois qui président à la production, à la consommation et à la répartition de la richesse, sont étroitement unies au principe chrétien et catholique ».
Par l'analyse et la synthèse d'expériences concrètes
Les "Annales de la charité" contiennent surtout des descriptions d'oeuvres, mais s'efforcent aussi d'élaborer une doctrine d'« économie charitable » qui naîtrait d'une réflexion sur l'expérience de l'exercice de la charité. Aussi y lit-on des articles de fond ou des comptes rendus de livres dans lesquels on sent se dégager une doctrine sociale.
Cette doctrine-ci reste prudente : pour Armand de Melun tout est encore "en discussion dans les théories et à l'essai dans la pratique; on se demande encore sans pouvoir répondre, la part qu'il faut donner dans la charité à l'État, aux associations, aux individus" .
Il rejette le système des ateliers sociaux de Louis Blanc, Il condamne pareillement la confiance absolue des économistes, tels Fix, dans la libre concurrence. Si Armand de Melun fait confiance à la morale chrétienne aidée par la pratique de l'association, il considère aussi que les Chambres doivent modifier la législation et que les chrétiens sociaux doivent s'unir pour faire avancer leurs idées
Volonté de créer un centre de réflexion
On relevait, parmi les collaborateurs des Annales, beaucoup de noms connu à l'époque, ceux de Falloux, Augustin Cochin, presque tous promis à un rôle notable dans l'évolution du catholicisme social. Aussi l'idée vint elle tout naturellement à Melun de grouper cette équipe en une Société qui aurait pour but non de diriger les oeuvres existantes ou d'en fonder de nouvelles, mais d'organiser des rencontres et des débats pour faire avancer la science sociale. Il y était encouragé par le succès qu'obtenaient les discussions de la « Conférence d'économie charitable » au « Cercle catholique ».
Diversité des membres de la " société d'économie charitable"
La liste des premiers membres de la «Société d'Économie charitable » comprenait 38 des 144 membres fondateurs des Annales auxquels s'ajoutèrent 71 autres personnalités.
Au total, la Société d'Économie charitable, sur ses 109 membres, comprenait un pair de France et 11 députés dont Denis Benoist d'Azy, oncle et futur beau-père d'Augustin Cochin, par ailleurs actionnaire important de société ferroviaire sans être voltairien et libéral. Elle n'avait pas de coloration royaliste légitimiste accentuée. Elle comprenait un assez grand nombre de hauts fonctionnaires comme Martin-Doisy, inspecteur général des établissements de bienfaisance, de magistrats, et des intellectuels, comme le statisticien Moreau de Jonnès et le théoricien Charles de Coux ou Villermé, auteur d'un rapport célèbre sur le paupérisme.
Politiquement quelques personnalités orléanistes de tendance, comme Carné, ancien membre du « parti social » de Lamartine, des catholiques libéraux, même si Montalembert ou Veuillot n'en font pas partie mais aussi des démocrates non catholiques comme Trélat ou catholiques comme Cormenin. Notons seulement que ses membres les plus actifs, Melun, Chevalier, Lambel, Falloux, le duc d'Uzès étaient des légitimistes.
Activités de la société de charité
La constitution de la Société fut annoncée en janvier 1847 dans les Annales Elle se donnait pour but "l'étude et la discussion de toutes les questions qui intéressent les classes pauvres". Organisée comme une association avec un bureau permanent, elle était composée de 125 membres titulaires et d'un nombre illimité de correspondants. L'organe de presse de la Société serait naturellement les Annales et on prévoyait une cotisation annuelle de 5 francs.
En 1847 elle entendit un rapport sur le travail dans les prisons et son influence sur le salaire des ouvriers libres, on discuta sur les Monts-de-Piété et sur le travail des enfants dans les manufactures, on entendit aussi un rapport d'Amédée Hennequin sur les établissements de charité et de prévoyance dans le haut-Rhin.
On décida aussi de l'organisation d'un congrès charitable à Paris au cours de l'année 1848 et d'organiser un concours sur le sujet des subsistances, offrant au lauréat une médaille d'or de 1200 francs.
Melun essaya de donner à la Société d'Économie charitable un prolongement international en proposant à la fin du « Congrès pénitentiaire » qui avait été organisé à Bruxelles le 20 septembre 1848 la création d'une "société internationale de charité" qui recruta trente et une personnes, appartenant à 14 États et utilisa aussi la tribune des annales de la charité.
Un engagement spécifiquement laïc
Un problème se posait. Cela n'impliquait-il pas l'accès au sacerdoce ? Mais Melun n'avait aucune vocation. « En vain, quelques années plus tard, Mgr Affre", me fit-il solliciter d'entrer dans les ordres [...] la certitude que la vocation me manquait et que j'étais destiné à une autre mission m'écartait du sanctuaire.
Il me semblait que cette pensée qui s'était emparée de moi, le retour de la Société moderne au christianisme, du peuple, de l'ouvrier, du pauvre, à l'Église, créait aux hommes de bonne volonté comme une fonction nouvelle, dont le but serait d'appeler les ignorants dans la maison de Dieu, de les conduire jusqu'au seuil, de les remettre dociles et convaincus entre les mains des ministres de la religion, que de notre temps cette fonction devait appartenir aux laïques, et qu'il me fallait prendre ma place dans cette avant-garde de l'armée de Dieu. »
Par ailleurs, il avait aussi dans les salons une place spéciale. " Aux yeux de beaucoup, j'appartins dès lors à une espèce particulière amie à la fois de l'Église et du monde, hantant le même jour les mansardes et les salons. On me sut gré de faire ainsi mon salut en riant. on écouta sans trop de défaveur mes histoires de pauvres, on me permit de demander des quêteuses, là où l'on avait l'habitude de chercher des danseuses... et de tâcher de divertir les gens sous le manteau de la charité. »
Les formes de son action charitable
« Homme charitable », Melun s'occupa immédiatement d'oeuvres diverses : « Société des Amis de l'Enfance » dès 1838, Colonie agricole d'orphelins du Mesnil-Saint-Firmin par Breteuil dans l'Oise, dirigée par Bazin, « oeuvre de la Miséricorde » pour les pauvres honteux, « Société de Saint-Vincent-de-Paul » (dès 1839), puis « oeuvres des apprentis », sans compter l'Institution professionnelle de Saint-Nicolas.
Si Melun resta toujours, avant tout, un « homme d'oeuvres » ses lectures et surtout son expérience du terrain l'ont rapidement amené à l'idée qu'il fallait que la charité ait aussi une dimension et des soutiens institutionnels.
Il orienta désormais une partie de ses lectures vers des sujets sociaux. Il semble que Villeneuve-Bargemont ait exercé sur lui une influence décisive.
Pour réaliser ses vastes projets, Armand de Melun comprit très vite la nécessité d'une action collective passant par un organe de presse et un cercle de réflexion stratégique. Aussi créa-t-il les Annales de la Charité en 1845, et la « Société d'Économie charitable » en 1846.
Le travail d'une commission parlementaire
Armand de Melun s'étant fait connaître par sa pétition de 1847 en faveur de réformes et par l'influence des "annales de la charité" de la "société de charité" fut élu député en 1848
Résultats de la pétition
C'est dans la séance du 22 mai 1847 que la pétition d'Armand de Melun fut examinée et chaleureusement approuvée par des représentants de l'opposition de gauche (Beaumont), de droite (Benoist d'Azy), du gouvernement (Salvandy et Carné, depuis peu directeur au ministère des Affaires étrangères); Melun pouvait réellement penser qu'au-dessus des partis, en dehors de la politique, il était le défenseur le plus qualifié des pauvres et des ouvriers. En même temps, Montalembert et Molé travaillaient à le faire entrer à l'Académie des Sciences morales et politiques, première étape vers la dignité de pair de France.
Le 15 février 1848, à la Chambre des pairs, lors de la discussion, le comte Beugnot, plus hardi que par le passé, se prononça chaleureusement en faveur de la révision de la loi de 1841 et déplora l'opposition des manufacturiers ainsi que des familles d'ouvriers. Il regrettait aussi la passivité du gouvernement. Mais le débat, interrompu le 17 février, ne reprit jamais.
La Révolution de 1848 amena la chute de ces espérances et entraîna Melun vers d'autres destinées.
Une commission parlementaire ...
Le 9 juin 1848, Melun, député de la seconde république déposa son texte, ainsi conçu : « Il est nommé une commission de 30 membres chargée de préparer et d'examiner dans le plus bref délai possible les lois relatives à l'assistance sociale"
Victor Hugo, récemment converti bruyamment à l'extrême gauche approuvait pleinement le projet de Melun. Rien n'était plus dangereux, plus compromettant. De nombreux membres de la droite lui répondirent sur un ton violent.
«Pour moi, dit Melun, j'étais au désespoir; j'avais voulu apporter la conciliation et la paix et la Chambre était en pleine guerre. on s'injuriait au nom de la miséricorde; on se battait sur le dos de la charité; j'en étais à regretter mon initiative et à regarder la cause comme perdue. » Désespéré, il quitte la salle des séances. « C'en était fait de ma proposition et de ma carrière parlementaire,... lorsque mon frère, accourant après moi et me faisant honte de ma fuite, me prit en quelque sorte par le collet, me ramena dans la Chambre »
Armand de Melun monta alors à la tribune et fit un appel à tous les hommes de coeur et de bonne volonté »; il réussit à faire adopter sa proposition à l'unanimité.
La Commission d'assistance délibéra encore sur le travail des enfants dans les manufactures les 23, 25 et 27 novembre 1848, et Melun insista pour que l'on créât une inspection efficace, afin « d'enlever les jeunes ouvriers à cette vie dégradante qui les rend incapables d'arriver à la taille et à la force d'un soldat ». Mais, il n'en résulta aucune décision, ni proposition de loi à l'Assemblée.
L'inspection du travail fut votée en 1874 sur proposition chrétienne sociale, alors que ceux ci faisaient partie de la majorité parlementaire de l'ordre moral.
Exposé de la situation sociale par Armand de Melun en direction des parlementaires et hommes politiques.
Armand de Melun expliqua que la misère tendait à se généraliser et à se perpétuer dans une portion nombreuse de la population employée aux travaux des diverses usines. La première cause de cette misère généralisée était la production illimitée et la concurrence qui imposait aux ouvriers « la nécessité de se livrer, eux, leurs femmes et leurs enfants, à un travail dont l'excès et la durée dépassent la mesure de leurs forces et pour un salaire qui ne suffit pas toujours à la plus chétive subsistance ».
Au temps des corporations, la misère des classes ouvrières «était un accident et non une condition générale et forcée ». L'erreur, c'est que rien ne les ait remplacées pour « la conservation de la santé, de la moralité, et de l'existence des ouvriers que [La révolution industrielle] concourt à appeler et à concentrer dans les ateliers des villes manufacturières ».
Comment donc réformer cette situation ? Son discours a pour but d'attirer l'attention « La restauration des classes inférieures, des classes ouvrières, souffrantes, est le grand problème de notre âge. Il est temps d'entreprendre sérieusement sa solution, et d'entrer enfin dans la véritable économie sociale, trop souvent.., perdue de vue au milieu de nos stériles agitations politiques. »
Il se rallia au projet de loi qui forme «un premier pas de fait vers une réforme appelée par tous les coeurs généreux. » Mais avec des modifications : que la surveillance soit étendue aux petits ateliers, qu'un gros effort soit fait pour l'éducation morale des enfants et que les curés et pasteurs pourraient faire partie des commissions chargées de l'application de la loi.
Une pétition en faveur de réformes sociales
En 1847, de Melun adressa aux chambres une pétition appuyée sur un opuscule intitulé "Mémoire aux chambres sur diverses questions de charité publique" (1847).
Soulignant le fait que les pauvres ne sont pas représentés dans les Assemblées, il déclare : « La classe qui a le plus besoin... semble condamnée à manquer toujours d'organes et de défenseurs. » et que la législation « a quelque chose de plus à faire pour la classe indigente que de lui accorder des secours et de lui voter des aumônes».
Les événements de 1848 vinrent confirmer tragiquement l'urgence des actions lancées. Nous en verrons le bilan général dans la suite de notre exposé.
P. Y. Bonnet